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Accueil de la bibliothèque > Charles Gounod - Mémoires d'un artiste CHARLES GOUNOD, MÉMOIRES D'UN ARTISTE - L'enfance (12/13) > L'enfance (12/13)

Reicha venait de mourir : je me trouvais sans professeur. Ma mère eut la pensée de me conduire chez Cherubini, et de lui demander mon admission dans une des classes de composition du Conservatoire. J'emportai sous mon bras quelques-uns de mes cahiers de leçons avec Reicha, afin de pouvoir renseigner Cherubini sur le point où j'en étais. Cette exhibition ne fut pas nécessaire. Cherubini s'informa verbalement de mon passé; et, lorsqu'il sut que j'étais élève de Reicha (qui avait cependant professé au Conservatoire), il dit à ma mère :
— Eh bien ! maintenant, il faut qu'il recommence tout dans une autre manière. Je n'aime pas la manière de Reicha : c'est un Allemand; il faut que le petit suive la méthode italienne : je vais le mettre dans la classe de contrepoint et de fugue de mon élève Halévy.

Or, pour Cherubini, l'école italienne, c'était la grande école qui descend de Palestrina, comme, pour les Allemands, le maître par excellence est Sébastien Bach. Loin de me décourager, cette décision me ravit.
— Tant mieux, me disais-je et répétais-je à ma mère, je n'en serai que mieux armé, ayant pris de chacune de ces deux grandes écoles ce qu'elles ont de particulier : tout est pour le mieux !

J'entrai dans la classe d'Halévy ; en même temps, Cherubini me mit, pour la composition lyrique, entre les mains de Berton, l'auteur de Montano et Stéphanie et d'un grand nombre d'ouvrages qui avaient joui d'une réputation méritée ; esprit fin, aimable, délicat, grand admirateur de Mozart, dont il recommandait la lecture assidue.
— Lisez Mozart, répétait-il sans cesse, lisez les Noces de Figaro !

Il avait bien raison ; ce devrait être le bréviaire des musiciens : Mozart est à Palestrina et à Bach ce que le Nouveau Testament est à l'Ancien dans l'esprit d'une seule et même Bible. Berton étant mort environ deux mois après mon entrée dans sa classe, Cherubini me plaça dans celle de Le Sueur, l'auteur des Bardes, de la Caverne, de plusieurs messes et oratorios : esprit grave, recueilli, ardent, d'une inspiration parfois biblique, très enclin aux sujets sacrés ; grand, le visage pâle comme la cire, l'air d'un vieux patriarche. Le Sueur m'accueillit avec une bonté et une tendresse paternelles ; il était aimant, il avait un cœur chaud. Sa fréquentation, qui, malheureusement pour moi, n'a duré que neuf ou dix mois, m'a été très salutaire, et j'ai reçu de lui des conseils dont la lumière et l'élévation lui assurent un titre ineffaçable à mon souvenir et à ma reconnaissante affection.

Je refis, sous la direction d'Halévy, tout mon chemin de contrepoint et de fugue; mais, en dépit de mon travail, dont mon maître était pourtant satisfait, je n'obtins jamais de prix au Conservatoire ; mon objectif unique était ce grand prix de Rome que je m'étais engagé à remporter coûte que coûte.

J'allais avoir dix-neuf ans, lorsque je concourus pour la première fois. Je remportai le second prix. Lesueur étant mort, je devins élève de Paër, qui l'avait remplacé comme professeur de composition. Je concourus de nouveau l'année suivante ; ma mère était pleine de crainte et d'espoir à la fois : désormais, je ne pouvais plus avoir que le grand prix ou un échec. Ce fut un échec! J'avais vingt ans, l'âge de la conscription ! Mais mon second prix de l'année précédente me valait un sursis d'un an. Il me restait donc encore les chances d'un troisième et dernier concours. Pour me consoler de ma défaite, ma mère m'emmena faire un voyage d'un mois en Suisse. Elle avait alors, malgré ses cinquante-huit ans, toute la verdeur d'une femme de trente ans. Pour moi qui, en dehors de Paris, n'avais encore vu que Versailles, Rouen et le Havre, ce voyage ne fut qu'une suite d'enchantements, depuis Genève, par Chamonix, l'Oberland, le Righi, les lacs, et le retour par Bâle. Je ne désadmirais pas. Nous parcourions la Suisse à dos de mulets, partant de grand matin, nous couchant tard, ma mère toujours levée la première et toute prête avant de me réveiller.

Je rentrai à Paris plein d'une nouvelle ardeur pour le travail, et bien résolu à en finir, cette fois, avec le grand prix de Rome. L'époque de ce concours si impatiemment attendu arriva enfin. J'entrai en loge, et je remportai le prix. Ma pauvre
mère en pleura : de joie, d'abord, puis aussi de la pensée que ce triomphe, c'était la séparation prochaine, et une séparation de trois ans, dont deux passés à Rome et l'autre en Allemagne. Jamais nous ne nous étions quittés, et la fable des Deux Pigeons allait devenir sa pensée quotidienne.

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