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Accueil de la bibliothèque > Charles Gounod - Mémoires d'un artiste CHARLES GOUNOD, MÉMOIRES D'UN ARTISTE - L'enfance (13/13) > L'enfance (13/13)

Les artistes qui avaient remporté les autres grands prix la même année que moi étaient : pour la peinture, Hébert; pour la sculpture, Gruyère ; pour l'architecture, Le Fuel; pour la gravure en médailles, Vauthier, petit-fils de Galle.

A la fin d'octobre avait lieu la distribution solennelle des prix de Rome, séance publique annuelle, dans laquelle est exécutée la cantate du musicien lauréat. Mon frère, qui était architecte, avait fait, comme élève de Huyot, d'excellentes études à l'Ecole des beaux-arts. Ne voulant pas quitter notre mère, prévoyant peut-être que le grand prix lui enlèverait, un jour, le plus jeune de ses deux fils, mon frère avait renoncé au concours de Rome, qui l'eût éloigné, pour cinq ans, de cette mère qu'il adorait et dont il était l'appui et le soutien. Mais il avait remporté ce qu'on appelait le prix départemental, qui était accordé à l'élève ayant obtenu le plus de médailles pendant le cours de ses études à l'École des beaux-arts. Ce prix était proclamé en séance publique de l'Institut, et notre mère eut la joie de voir couronner ses deux fils le même jour.

J'ai dit que mon frère avait été élevé au lycée de Versailles. C'est là qu'il avait connu Le Fuel, dont le père était lui-même architecte au château, et qui devait, plus tard, rendre illustre le nom qu'il portait. Le Fuel avait retrouvé mon frère comme condisciple à l'atelier du célèbre architecte Huyot, l'un des auteurs de l'Arc de Triomphe de l'Etoile, et, depuis lors, ils s'étaient liés d'une amitié que rien désormais ne devait rompre. Le Fuel avait près de neuf ans de plus que moi. Ma mère, qui l'aimait comme un fils, me confia à lui, on devine avec quelles instances, et je dois à la mémoire de cet excellent ami de dire qu'il s'acquitta de sa mission avec la plus fidèle et la plus vigilante sollicitude.

Avant mon départ, l'occasion s'offrit à moi de me livrer à un travail bien sérieux à tout âge et surtout au mien, une messe. Le maître de chapelle de Saint-Eustache, Dietsch, qui était alors chef des chœurs à l'Opéra, me dit un jour :
— Écrivez donc une messe avant de partir pour Rome ; je vous la ferai exécuter à Saint-Eustache.

Une messe ! de moi ! dans Saint-Eustache! Je crus rêver. J'avais cinq mois devant moi ; je me mis résolument à l'œuvre, et, au jour dit, j'étais prêt, grâce à l'activité laborieuse de ma mère qui m'avait aidé à copier les parties d'orchestre, car nous n'avions pas le moyen de payer un copiste. Une messe à grand orchestre, s'il vous plaît! Je la dédiai, avec autant de témérité que de reconnaissance, à la mémoire de mon cher et regretté maître Le Sueur, et j'en dirigeai, moi-même, l'exécution à Saint-Eustache.

Ma messe n'était certes pas une œuvre remarquable : elle dénotait l'inexpérience qu'on pouvait attendre d'un jeune homme encore tout novice dans le maniement de cette riche palette de l'orchestre dont la possession demande une si longue pratique ; quant à la valeur des idées musicales considérées en elles-mêmes, elle se bornait à un sentiment assez juste, à un instinct assez vrai de conformité au sens du texte sacré ; mais la fermeté du dessin, le voulu y laissait fort a désirer. Quoi qu'il en soit, ce premier essai me valut de bienveillants encouragements, parmi lesquels celui-ci, dont je fus particulièrement touché. Au moment où je rentrais à la maison avec ma mère après l'exécution de la messe, je trouvai à la porte de notre appartement (nous demeurions alors au rez-de-chaussée 8, rue de l'Eperon) un commissionnaire qui m'attendait, une lettre à la main. Je prends la lettre, je l'ouvre, et je lis ceci :
« Bravo, cher homme que j'ai connu enfant! Honneur au Gloria, au Credo, surtout au Sanctus! c'est beau; c'est vraiment religieux! Bravo et merci ; vous m'avez rendu bien heureux. »

C'était de l'excellent M. Poirson, mon ancien proviseur de Saint-Louis, alors proviseur du lycée Charlemagne. Il avait vu annoncer l'exécution d'une messe de moi, et il. était accouru, tout plein d'intérêt et de sollicitude, pour entendre les débuts du jeune artiste auquel il avait dit, sept ans auparavant :
— Va, mon enfant, fais de la musique !

Je fus tellement touché de son souvenir que je ne pris même pas le temps d'entrer chez moi ; je ne fis qu'un bond dans la rue, je montai dans un cabriolet... et j'arrive au lycée Charlemagne, rue Saint-Antoine, où je trouve mon cher ancien proviseur qui m'ouvre les bras et m'embrasse de tout son cœur.

Je n'avais plus que quatre jours à passer avec cette mère de qui j'allais me séparer pour trois ans et qui, à travers ses larmes, préparait toutes choses pour le jour de mon départ. Ce jour arriva rapidement.

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***

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