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CHARLES GOUNOD, MÉMOIRES D'UN ARTISTE - Lettres > Lettres XIII
Mon cher Pi,
Voilà donc encore une fois nos espérances trompées par la rupture définitive de
cet armistice aux chances duquel il me semble que M. Thiers avait apporté toutes
les garanties d'un négociateur consommé, et le gouvernement toutes les
concessions où peut descendre un peuple qui se respecte. — Et maintenant, que
va-t-il se passer? Hélas! je suis bouleversé d'y songer ! Mais, si je ne puis
ni détacher ni détourner mon cœur des malheurs de notre cher
pays, je sens qu'il faut absolument faire appel à mon travail, à mon devoir, à
mon activité utile; utile aux miens (car il faut les nourrir), — utile à
moi-même, car il faut que je me tire de cette agonie à distance qui dure depuis
notre arrivée ici, et qui me submergerait comme un déluge si je n'employais pas
les forces qui me restent à réagir, moi aussi, contre cette invasion de mon
territoire moral.
Je vais donc, en présence des événements qui me paraissent rendre impossible
d'ici à quelque temps, la perspective d'un retour en France, employer mon hiver
à terminer ou du moins à avancer mon œuvre1, afin que, quand les eaux se seront
retirées, je puisse ouvrir mon arche, et en laisser envoler cette colombe (qui
ne sera peut-être qu'un corbeau), mais qui,
en tout cas, marquera pour moi le retour de l'arc-en-ciel et de la tranquillité
des nations. — Que ne pouvons-nous vous avoir près de nous, mes chers amis!
Quelle dispersion que la nôtre, cet hiver!
CHARLES GOUNOD.
1. Polyeucte. — C'est aussi à ce moment que Gounod écrivit
Gallia. ***
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