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CHARLES GOUNOD, MÉMOIRES D'UN ARTISTE - Lettres > Lettres XII
8 Morden Road, Blaekhcath Park, Mardi, 8 novembre 1870.
Mon Edouard,
Voici encore que nous allons changer de domicile: nous quittons Morden Road
samedi pour aller nous installer à Londres, où il va être indispensable que je
sois pour mon travail et mes affaires. Il va falloir se remettre à l'œuvre et à
la vie utile, car je ne peux pas me laisser plus longtemps éteindre et anéantir
dans une tristesse sans fin et sans fruit ! Un mois de plus et je serais
incapable de quoi que ce soit.
Si je peux produire et vendre, je vendrai ; si je suis obligé de donner des
leçons, j'en donnerai : car, hélas ! l'armistice se gâte, et ce que sera l'hiver
chez nous, personne
ne le sait. Voilà donc notre pauvre volière dispersée, mon ami ! Non les cœurs,
mais les yeux et « je ne suis pas de ceux qui disent: ce n'est rien!... je dis
que c'est beaucoup! » — comme le bon La Fontaine.
Dis à mon cher petit Guillaume combien ses lettres sont précieuses, non
seulement au cœur de sa grand'mère, mais à la tendresse de son oncle, qui
cherche et suit, avec une sollicitude que j'oserai presque appeler maternelle,
la trace de tous ses sentiments, les élans de sa nature, les éléments de son
avenir, le mouvement de sa pensée, tout cet ensemble enfin se composant en nous
de ce qui persiste et de ce qui se transforme. Tout ce que je vois en lui est
bien bon et de bien bon augure, et les graves et tragiques événements dont le
tumulte accompagne son entrée dans la vie auront donné à toutes ses qualités
l'âge
que la paix leur eût peut-être donné vingt ans plus tard.
Tout le monde va bien. Jean et Jeanne embrassent tendrement leurs oncle et
cousin.
CHARLES GOUNOD. ***
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