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CHARLES GOUNOD, MÉMOIRES D'UN ARTISTE - Lettres > Lettres VIII
Varangeville, dimanche 4 septembre 1870.
Mes chers enfants,
Notre chère grand'mère est, et cela se comprend de reste, fort indécise sur le
parti qu'elle doit prendre. Les nouvelles qui circulent ce matin, si elles sont
exactes, nous annoncent des désastres. Vous savez que la bonne Luisa Brown a
fait auprès de grand'mère des offres instantes et réitérées de l'abriter chez
elle, à Blackheath, jusqu'à ce qu'elle trouvât une installation, et que
ces offres se rapportent nominativement aussi à vous comme à nous.
Dans ces conjonctures, je me sens une très grande responsabilité. Engager ou
dissuader me paraît également grave : je voudrais que notre cher Pigny me fît
connaître là-dessus son sentiment. Quant au mien, le voici :
Si la fortune adverse veut que la Prusse triomphe (ce qui ne m'a jamais paru si
facile que cela), et si la France doit être humiliée sous la conquête étrangère,
j'avoue que je ne me sens pas le courage de vivre sous le drapeau ennemi. Or, si
la captivité de l'Empereur, la défaite de Mac-mahon, et la perte de
quatre-vingt mille hommes sont des faits certains, je pense que la France est,
en ce moment, assez exposée pour que ce soit un devoir pour moi de conduire provisoirement à Londres notre mère, ma femme et mes deux enfants.
Parle, mon Pigny, je l'écoute des deux oreilles.
CHARLES GOUNOD. ***
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