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CHARLES GOUNOD, MÉMOIRES D'UN ARTISTE - Le retour (5/8) >  Le retour (5/8) Pour n'être pas ce qu'on appelle un succès, le sort de Sapho n'en eut pas moins 
des conséquences profitables à ma carrière et à mon avenir. Et d'abord, Ponsard 
me demanda, le soir même de la première représentation, si je voudrais écrire la 
musique des chœurs d'une tragédie en cinq actes, Ulysse, qu'il destinait au 
Théâtre-Français. J'acceptai sur-le-champ, sans connaître l'ouvrage ; mais la 
réputation de l'auteur de Lucrèce, de Charlotte Corday et d'Agnès de Méranie 
m'inspirait plus que de la sécurité sur la valeur de l'œuvre à la collaboration 
de laquelle j'avais l'heureuse chance d'être appelé. 
Arsène Houssaye était alors directeur de la Comédie-Française. Il fallait 
annexer au personnel ordinaire du théâtre, un personnel choral et un renfort de l'orchestre accoutumé1. 
Ulysse fut représentée 18 juin 1852. Je venais d'épouser, quelques jours 
auparavant, une fille de Zimmerman2. le célèbre professeur de piano du 
Conservatoire, à qui est due la belle école de piano de laquelle sont sortis 
Prudent, Marmontel, Goria, Lefébure-Wély, Ravina, Bizet et tant d'autres ; je 
devenais, par cette alliance, le beau-frère du jeune peintre Edouard Dubufe, 
qui déjà portait dignement le nom de son père, et dont le fils, Guillaume Dubufe, 
promet aujourd'hui de soutenir brillamment l'héritage et la réputation. 
Les principaux rôles d'Ulysse étaient tenus par mademoiselle Judith, MM. Geffroy, Delaunay, Maubant, mademoiselle Nathalie et autres. La part de la musique 
ne représentait pas moins de quatorze chœurs, un solo de ténor, plusieurs 
passages de mélodrame instrumental et une introduction d'orchestre. Il y avait 
pour le musicien un certain danger de monotonie dans l'emploi uniforme des mêmes 
ressources, l'orchestre et les chœurs. 
J'eus, néanmoins, la bonne fortune de tourner assez heureusement la difficulté, 
et ce second ouvrage me valut une nouvelle bonne note dans l'opinion des 
artistes. Ma partition eut en outre une chance que n'avait pas eue celle de 
Sapho, pour laquelle aucun éditeur ne s'était présenté : MM. Escudier me firent 
l'honneur et la faveur de graver mon nouvel ouvrage gratis. 
Ulysse fut joué une quarantaine de fois. C'était la seconde épreuve dont ma mère 
fut témoin dans ma carrière dramatique. 
Les « chœurs d'Ulysse » me semblent empreints d'un caractère et d'une couleur 
assez justes et d'un style assez personnel ; le maniement de l'orchestre y 
laisse encore bien à désirer sous le rapport de l'expérience, plutôt que sous 
celui du coloris dont l'instinct est en général assez heureux. 
1. Voir plus loin, une lettre de Berlioz à Gounod en date du 19 
novembre 1851. 
2. Voir plus loin, une lettre de Gounod à Lefuel, sans date. ***
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