Aspects de la contrebasse solitaire - DEUXIEME PARTIE : Quelques aspects de l'écriture - Scelsi et l'exploration du sonDEUXIEME PARTIE : Quelques aspects de l'écriture > Scelsi et l'exploration du son
Deuxième partie
Quelques aspects de l'écriture
I- Scelsi et l'exploration du son
II- La dimension polyphonique
III-Virtuosité
I- Scelsi et l'exploration du son
A- A propos de Scelsi
Nous ne voulons pas tenter d'élaborer une biographie de Giacinto Scelsi. Le compositeur ne souhaitait guère parler de lui-même. Par
contre, une présentation (brève) de sa conception de la musique, de la
composition, de ses recherches concernant le son est nécessaire. C'est à partir
des années cinquante que Scelsi se fait créateur d'un nouveau langage, du
langage que nous lui connaissons, celui de l'exploration du son. Le son n'est
plus défini uniquement par son timbre, sa hauteur, son intensité, et sa durée.
Une déclaration de Scelsi rend compte de son point de vue.
"En plus le son est sphérique, mais en l'écoutant, il nous semble posséder
seulement deux dimensions : hauteur et durée. La troisième, la profondeur,
nous savons qu'elle existe mais dans un certain sens, elle nous échappe. Les
harmoniques supérieurs et inférieurs nous donnent parfois l'impression d'un
son vaste et plus complexe autre que celui de la durée ou de la hauteur, mais
il nous est difficile d'en percevoir la complexité. D'ailleurs, musicalement,
on ne saurait la noter. En peinture, on a bien découvert la perspective qui
donne l'impression de la profondeur, mais en musique jusqu'à présent, malgré
toutes les expériences stéréophoniques et les essais successifs de toutes
sortes, on a réussi ni à échapper aux deux dimensions durée et hauteur, ni à
donner l'impression de la réelle dimension."1
Cette réflexion du compositeur représente le coeur de sa
démarche compositionnelle. L'intérêt est alors de savoir comment ce projet
cohérent dans sa conception, mais complexe dans sa réalisation va se développer
et avec quels moyens.
Une pluralité de notes s'avère inutile : les célèbres
Quatro pezzi su una sola note convainquent de la richesse offerte par
l'unicité du son. L'étude partielle des pièces de Scelsi pour contrebasse seule
considèrent le traitement de ce son "unique".
Quatre oeuvres de Scelsi nous intéressent plus particulièrement : C'est
bien la nuit, Le réveil profond, Macknongam, et Mantram. C'est
bien la nuit (1972) et Le réveil profond (1976, dédiée à Joëlle
Léandre) sont regroupées dans le recueil Nuits. Macknongam (1976) n'est
pas écrite spécifiquement pour la contrebasse, mais pour instrument grave (avec
voix non obligato), ou voix de basse. L'oeuvre la plus récente,
Mantram (1987) est confiée à Joëlle Léandre. Avec l'indication, "fais en ce
que tu voudras", Joëlle Léandre se permit de transcrire la pièce une quinte
au-dessus du ton original. La tessiture est ainsi plus favorable à la basse.
Alors que les trois oeuvres précédentes s'attachent à une note, parfois deux,
Mantram revêt un caractère différent. Une mélodie simple, d'allure
monodique, reposant sur les notes do ré mi, se développe, mais animée
d'un esprit de recherche similaire aux autres oeuvres.
1- G. Scelsi, cité par E. Restagno."Scelsi et les sphinx sonores", livret du
CD "Giacinto Scelsi", Salabert actuel, 1990, p.11.