Aspects de la contrebasse solitaire - PREMIERE PARTIE : Présentation de l'instrument - Un instrument instablePREMIERE PARTIE : Présentation de l'instrument > Un instrument instable
Première Partie
Présentation de l'instrument
I- Un instrument instable
II- Le répertoire pour contrebasse
III- L'apport du jazz
I- Un instrument instable
A- Bref historique
Dès le seizième siècle, deux familles d'instruments à
cordes frottées se côtoient : celle des violons et celle des violes. Cette
existence parallèle nourrit une ambiguïté quant à l'origine de la contrebasse
actuelle. Pour certains musicologues, la contrebasse actuelle est affiliée à la
contrebasse de viole. Seuls auraient changés le nombre de cordes, la forme des
ouïes, la caisse de résonance. Dolmetsh en conclut que la "sonorité vigoureuse
mais impure et vulgaire de la contrebasse"1 provient de cette
métamorphose de l'instrument original.
Pour d'autres, et depuis le siècle des lumières avec Diderot
et D'Alembert, il parait plus probable que la contrebasse actuelle provienne de
la famille des violons. Des études de lutherie argumentent ce point de vue. Nous
ne pouvons que soulever ce problème, sans apporter de réponses, qui
entraîneraient quelques polémiques vaines.
La contrebasse, "compromis formel"2 entre les
violes et la silhouette du violon fut d'abord appréciée à l'église pour sa
fonction de basse continue. Ce n'est que dans la seconde moitié du dix-septième
siècle que la contrebasse fait son entrée parmi "les violons du roi". Au
dix-huitième siècle, elle entre à l'Opéra de Paris. La seconde moitié du
dix-huitième et surtout le dix-neuvième siècle, auront leur premier virtuose,
avec l'avènement d'oeuvres concertantes pour cet instrument.
B- Facture instable de la contrebasse
La contrebasse apparaît comme un instrument bâtard. Son
origine est certes ambiguë, mais ses dimensions, son nombre de cordes, la tenue
de son archet constituent encore des éléments non déterminés dans l'histoire de
la contrebasse et encore aujourd'hui.
Les "bassettes", petites contrebasses de chambre sont
couramment utilisées jusqu'au début du dix-neuvième siècle. Les quelques essais
pour remplacer la bassette par la suite ne parvinrent pas à s'imposer. A coté de
ces petites contrebasses, la construction de contrebasses géantes séduit les
luthiers dès le dix-septième siècle. Divers témoignages rendent comptent de
l'utilisation de ces contrebasses. Citons au
dix-neuvième siècle la célèbre octo-basse de Jean Baptiste Vuillaume, mesurant
3,48 m de haut (elle ne descend en fait que de deux tons la corde grave d' une
contrebasse à quatre cordes). Berlioz admirait "ses sons d'une puissance et
d'une beauté remarquable, pleins et forts, sans rudesse."3 La
contrebasse, telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui n'est plus marquée par ces
différences flagrantes. Cependant, elle n'a pas de forme fixe déterminée,
contrairement aux autres instruments du quatuor. La contrebasse de facture
allemande est souvent la plus grosse (contrebasse 4/4, caisse de résonance 130
cm, longueur de corde vibratoire 112 cm). La contrebasse 3/4 est fréquemment
utilisée en France par les solistes classiques, et en musique de chambre (caisse
de résonance 110 cm, longueur de corde vibratoire 106 cm).
Le nombre de cordes de la contrebasse oscille depuis le
seizième siècle entre trois et six. Avec les virtuoses Dragonetti, Bottesini, au
dix-neuvième siècle, la contrebasse à trois cordes s'impose face à d'autres
contrebasses. Elle disparaît cependant peu à peu pour laisser place à la
contrebasse actuelle à quatre cordes. Une cinquième corde est fréquemment
rajoutée pour élargir le registre grave de la contrebasse (la contrebasse à cinq
cordes d'orchestre est accordée do mi la ré sol). Aujourd'hui, contrebasses à
quatre et cinq cordes se côtoient. A ce nombre de cordes instable, s'ajoute un
accord qui varie selon la fonction de la contrebasse et le goût de
l'instrumentiste (accord d'orchestre, accord de soliste).
Les discussions autour de cette instabilité de la facture de
la contrebasse ne cessent depuis plusieurs siècles. La contrebasse est un
instrument en perpétuelle évolution. Comme Paul Brun, nous pouvons nous
interroger sur son avenir : "Les décennies à venir nous révéleront si le
processus n'est qu'une mode passagère ou s'il doit conduire à l'élimination pure
et simple de la contrebasse à quatre cordes des grandes formations
orchestrales... dans le passé, la contrebasse à trois cordes a cédé la place à
la contrebasse à quatre cordes. Espérons que cette dernière ne disparaîtra pas
au profit de la contrebasse à cinq cordes."4
C- Techniques d'archets diverses
Au dix-huitième siècle, deux techniques d'archet se confrontent : paume vers
le haut (technique de la viole), paume vers le bas (technique du violoncelle).
Cette dernière tenue d'archet constitue une nouveauté au dix-huitième siècle,
qui ne va sans polémiques. Encore aujourd'hui subsistent deux techniques
d'archet différentes pour les contrebassistes : main sur la baguette (archet
français), main sous la baguette (archet allemand). Chaque école défend sa
technique de jeu. Ainsi défauts et mérites de chaque tenue d'archet peuvent être
brièvement énoncés. L'archet allemand offrirait une plus belle sonorité, pour
une pression nécessaire plus faible. L'archet français permettrait une plus
grande souplesse dans le jeu, un phrasé plus subtil... Quelques essais
d'assemblages de deux techniques différentes dans un même pupitre
de contrebasses à l' orchestre (exemple Hans Fryba et Pierre Delecluse dans
l'orchestre de la Suisse Romande) se révèlent positifs. Paul Brun juge ces
expériences trop rares, et conclut : "Cette profonde incompréhension comme
l'absence de toute volonté de coopération entre les tenants des différentes
écoles d'archet représentent les aspects les moins positifs de la coexistence
des ces techniques qui pourraient s'avérer si enrichissante par ailleurs."5
1- Cité par Paul Brun. Histoire des contrebasses à cordes, Paris : La
flûte de Pan, 1982, p. 31.
2- Alain de Chamburre. "Contrebasse", Encyclopédie de la musique, dir.
François Michel, Paris : Fasquelle, 1958-61, vol.1, p. 583.
3- Cité par Paul Brun. Op. cit., p. 1 38.
4- Paul Brun. Op. cit., p. 218.
5-Paul Brun. Op. cit., p. 236.