Aspects de la contrebasse solitaire - QUATRIEME PARTIE : Théâtre - Procédés d'imitationQUATRIEME PARTIE : Théâtre > Procédés d'imitation
2- Procédés d'imitation
Une analyse des deux parties contrebasse et voix, fait apparaître que cette
dernière elle-même cherche à reproduire par ses propres moyens quelques
sonorités de la contrebasse. Comme par mimétisme, la voix s'associe aux jeux de
la contrebasse. Les oeuvres Zab, de P. Boivin, J'ai tant rêvé de
S. Kanach, Valentine de J. Druckman, semblent être les plus
représentatives de cette tendance. A propos de cette dernière pièce, Bertram
Turetzky précise que la voix semble provenir de la contrebasse1.
Exemple 1. Valentine de J. Druckman
Exemple 2. id.
Exemple 1 : Le jeu col legno, spécifique aux instruments à archet est
présent dans la partie de contrebasse mais également dans la partie vocale.
Celle-ci utilise des syllabes choisies, pour refléter la légèreté du mode de
jeu, et le rebond de la baguette sur la corde. L'écriture montre deux mouvements
parallèles descendants.
Exemple 2 : La voix, par une onomatopée, et le signe (son nasal), semble
encore imiter la contrebasse, qui exécute avant un "pizz-glissando".
Nous avons déjà évoqué l'utilisation de la voix comme complément de la
percussion dans Zab. Le compositeur insiste alors sur l'énergie qui doit
alors être apportée par l'interprète dans ses effets vocaux ("un apport
d'énergie supplémentaire à la percussion [...] toute l'énergie est obtenue par
de violents coups de diaphragme"). Marquant encore le rapport entre la partie de
contrebasse et la partie vocale, Philippe Boivin exige que"les expirations
(aient) toujours lieu pendant les frappes de la main droite, et les inspirations
pendant les coups de main gauche. Les doigtés de percussion induiront donc tout
naturellement l'alternance expiration/inspiration. "2
Dans Valentine de J. Druckman, J'ai tant rêvé de S. Kanach,
elle ne semble plus constituer un renfort de la partie de contrebasse, comme
dans Zab de P. Boivin, mais une partie indépendante.
L'association de deux timbres traditionnels, ne résulte plus certes d'effets
d'imitation, mais toujours d'une recherche de symbiose, de correspondance entre
la partie vocale, et la partie de contrebasse. Dans les années quarante,
certains contrebassistes de jazz utilisent cette technique de jeu qui consiste à
jouer et chanter en même temps. "Slam Stewart est surtout connu pour la manière
dont il fredonne la ligne de basse qu'il joue à l'archet, provoquant ainsi un
effet évoquant le bruit d'une abeille [...]" Si les effets recherchés dans des
oeuvres telles que Valentine, Silence IV, Processus II, ne correspondent
pas aux effets produits par les jazzmen, nous retrouvons une même idée : celle
de ne pas privilégier un timbre par rapport à l'autre.
Exemple 1. Silence IV de J. Léandre.
Dans cet exemple, plusieurs éléments favorisent la recherche de symbiose
entre l'interprète et la contrebasse :
- recherche d'homogénéité rythmique entre les deux parties
- utilisation de registres communs (registre aigu pour la partie vocale et la
partie de contrebasse, avec l'emploi d'harmoniques).
Les valeurs de notes longues permettent d'apprécier chaque sonorité engendrée
par l'association de deux timbres différents.
Le double rôle de l'interprète marque l'avènement d'une nouvelle virtuosité.
Malgré le rapport qui s'instaure entre voix et contrebasse, l'interprète,
au-delà des difficultés de chaque partie, doit maîtriser l'indépendance entre
son geste vocal et son geste instrumental.
1- Bertam Turetzky. Op. cit., p. 46.
2 -Philippe Boivin. Zab ou la passion selon Saint Nectaire, inédit, notes
d'interprétation.