Aspects de la contrebasse solitaire - QUATRIEME PARTIE : Théâtre - Le rapport texte-musiqueQUATRIEME PARTIE : Théâtre > Le rapport texte-musique
B- Le rapport texte-musique
"La voix parlée ou chantée peut ajouter une partie supplémentaire à l'oeuvre,
renforcer les sons produits par l'instrument, les colorer, se combiner à eux, ou
même naître d'eux"1.
L'instrumenta archet laisse une "entière" liberté vocale à l'instrumentiste,
(en opposition à l'instrument à vent, qui cependant n'empêche pas l'interprète
de chanter et jouer simultanément, créant des sonorités exceptionnelles).
Contrebasse et voix peuvent s'associer simultanément sans que leurs timbres
respectifs soient altéré.
1- La contrebasse, complémentaire du texte
L'oeuvre Taxi de Joëlle Léandre est dotée d'un texte dont l'idée
générale s'apparente directement à la contrebasse. Ainsi, avant toute analyse
musicale, un lien s'instaure entre le texte et l'instrument. La contrebasse
constitue un support visuel, une illustration des propos récités par
l'interprète. En cela, nous pouvons déjà dire que la contrebasse figure le
texte. La dernière contrebasse à Las Vegas de E. Kurtz présente cette
même caractéristique, puisque le texte est une conférence sur la contrebasse. La
contrebasse a pour mission de justifier les paroles prononcées par la récitante
:
Exemple 1. La dernière contrebasse à Las Vegas, de E. Kurtz
Si ces procédés de concrétisation du texte sont évidents dans cette oeuvre,
ils dépendant davantage de la sensibilité de chaque auditeur dans Taxi,
de J. Léandre ou dans Processus II de G. Finzi. Dans Taxi, une des
réflexions (rapportée par le compositeur) d'un chauffeur est : "On ne peut pas
jouer tout seul ! " Puis sont évoquées avec ironie les "cordes vocales" de la
contrebasse. Comme pour se justifier face à ces propos désobligeants proférés à
son égard, la contrebasse déploie une phrase chargée de lyrisme (timbre
traditionnel, registre aigu, valeur longue, vibrato). Dans Processus II,
l'interprète récite : "Impression de buter sur quelque chose." La contrebasse
bute elle aussi sur un motif de deux notes :
Exemple 2. Processus II, de G. Finzi
La contrebasse témoigne également de l'état psychologique de l'interprète-récitant
(acheminement vers un état de folie dans Taxi, Processus II). Dans
Taxi, on assiste certes à un resserrement de l'écriture, mais moins
spectaculaire que dans Processus II. Au début de cette pièce, la
contrebasse adopte un jeu calme et imperturbable (malgré les propos déjà
angoissants du récitant). Avec le discours incohérent de l'interprète, elle se
"déchaîne". Cette folie de l'instrument se traduit par une montée vertigineuse
dans l'extrême aigu ("Monter le plus haut possible"), dans une nuance fff.
D'autres procédés se succèdent et qui mettent en valeur l'état du personnage.
1- Anne Penesco. Les instruments à archet dans les musiques du vingtième
siècle, Paris : Champion, 1992, p. 295.