Aspects de la contrebasse solitaire - DEUXIEME PARTIE : Quelques aspects de l'écriture - VirtuositéDEUXIEME PARTIE : Quelques aspects de l'écriture > Virtuosité
III- Virtuosité
La virtuosité correspond à la capacité de l'interprète à résoudre les plus
grandes difficultés d'une oeuvre. Définir de façon précise la virtuosité
reviendrait à la limiter à une difficulté. Si la virtuosité a longtemps été
associée au terme de vélocité et performance technique, sa notion s'est élargie
au vingtième siècle : de la lecture de la partition à son exécution, la
virtuosité s'impose dans la totalité du travail d'une oeuvre. Cependant, notre
présente étude s'attache davantage aux problèmes techniques, ceux de
l'interprétation impliquant une trop large ouverture. Avec l'étude d'une oeuvre
de Ferneyhough, le problème de la lecture de la partition est également abordé.
A- Quelques considérations techniques propres à la contrebasse
1- Bref historique du niveau instrumental
Ce n'est qu'à partir du dix-huitième siècle qu'apparaissent les premières
méthodes de contrebasse. Celle de Michel Corette (1781)1 constitue
davantage un intérêt historique que pratique. Loin d'encourager le
contrebassiste à parfaire sa technique, la méthode reflète le manque de
motivation pour transformer la contrebasse "refuge des incompétents" 2,
en instrument capable de virtuosité. L'auteur conseille par exemple de faire le
"ré d'en haut" sur la deuxième corde à vide, "pour ne point démancher."3
Il ajoute qu'à l'orchestre, "vouloir exécuter toutes les notes, c'est vouloir
faire du charivari"4. Dès 1760 cependant, le contrebassiste
autrichien Joseph Kaempfer subjugue le public par ses prestations
instrumentales. L'interprète "jouait sur la contrebasse non seulement aussi
rapidement mais aussi dans une tessiture aussi haute que les meilleurs
violonistes pouvaient le faire, ce qui est réellement stupéfiant."5
Les différents témoignages nous font part de l'étonnement général envers cet
instrument peu maniable. Certes si la contrebasse ne fait pas l'unanimité, elle
est capable de "réaliser des solos qui valent même la peine d'être entendus."6
Ces solos valorisent les qualités de la contrebasse. Sa tessiture s'élargit,
(Paul Brun dans son ouvrage Histoire des contrebasses à corde remarque
qu'avant le dix-huitième siècle, les notes les plus graves et les plus aiguës
étaient presque bannies. "Les premières résonnaient confusément, les dernières
étaient d'une exécution difficile"7) ; l'emploi fréquent des
harmoniques, la recherche de vélocité, l'exploitation des ressources
instrumentales font de l'interprète un virtuose.
Les premiers traités didactiques dignes d'intérêt (Hause, Asioli ) datent du
début du dix-neuvième siècle et révèlent un intérêt réel pour cet instrument. A
cette même époque, la contrebasse encore accablée de préjugés défavorables
commence seulement à être enseignée dans les conservatoires.
Il est clair que la contrebasse semble pendant plusieurs siècle comme
handicapée par ses dimensions et ce qu'elles impliquent. Les musiciens
considéraient comme un obstacle, ce qui représentait en fait un atout
spécifique, une richesse de l'instrument. Il convient alors de s'attacher à
l'origine des difficultés majeures de l'instrument (longueur de la touche,
épaisseur des cordes).
1 - Michel Corette, Méthode pour apprendre à jouer de la contrebasse à 3,
4 et 5 cordes,Genève : Minkoff, 1977. fac sim. de l'éd. Paris, 1781.
2- Paul Brun. Histoire des contrebasses à cordes, Paris : La flûte de
Pan, 1982, p. 105.
3- Michel Corette, cité par Paul Brun. Op. cit., p. 106.
4- Michel Corette. Op. cit., p. 5.
5- Cité par Paul Brun. Histoire des contrebasses à cordes, Paris : La
flûte de Pan, 1982, p. 115
6- Paul Brun. Ibid., p. 116.
7- Paul Brun. Ibid., p. 106.