Aspects de la contrebasse solitaire - DEUXIEME PARTIE : Quelques aspects de l'écriture - L'interprète, source sonoreDEUXIEME PARTIE : Quelques aspects de l'écriture > L'interprète, source sonore
b- L'interprète, source sonore
Avec l'utilisation de la contrebasse devenue instrument de percussion, la
polyphonie de sons homogènes disparaît, même si les voix concernées proviennent
de la même "cause instrumentale"1, la contrebasse. La polyphonie
s'étend, elle intègre l'interprète lui-même dans son jeu.
L'intervention de l'interprète, en tant que source sonore n'est pas
systématiquement vocale : claquement de doigts, claquement de langue... sont des
effets parfois sollicités.
La polyphonie réelle qui résulte de ce nouvel investissement du contrebassiste
suscite des effets nouveaux dans leur réalisation (car l'interprète est à la
fois source sonore et contrebassiste). L'effet sonore est un reflet de la
symbiose entre l'interprète et son instrument. Une pièce pour contrebassiste et
chanteur (deux exécutants) enlève ce caractère particulier que peut conférer une
écriture polyphonique. Dans J'ai tant rêvé de Sharon Kanach, voix et
contrebasse s'associent de façon simultanée (exemple 1) ou linéaire (exemple 2).
La voix se fait percussion.
Exemples 1 et 2. J'ai tant rêvé, de S. Kanach
Un aspect de l'écriture polyphonique de Valentine de Druckman est d'associer
deux timbres traditionnels (voix chantée, mode de jeu traditionnel pour la
contrebasse), provenant de sources différentes (l'interprète, la contrebasse).
L'effet d'une polyphonie de sons homogènes s'impose alors (même s'il s'agit
effectivement de deux sources sonores distinctes), en contraste avec la
polyphonie de timbres qui s'imposait jusqu'alors. Aucun des deux timbres n'est
privilégié par rapport à l'autre, il n'y a pas de hiérarchie préexistante entre
la voix et la contrebasse.
Conclusion :
Tout comme la contrebasse peut être à la fois instrument à percussion, et
instrument à cordes, l'interprète peut également lui-même par la richesse de ses
ressources sonores, créer une polyphonie de timbre. Chaque source sonore, dans
le répertoire pour contrebasse seule, offre des ressources polyphoniques
diverses. Lorsque la polyphonie se généralise, qu'elle associe les deux sources
sonores, les possibilités se multiplient encore. Dans le répertoire pour
instrument seul, la polyphonie constitue un procédé d'écriture primordial, et
dément ainsi certains propos apprenant qu' "un instrument tout seul est grêle,
pauvre, pitoyable"2.
1- Pierre Schaeffer, cité par Claude Cadoz. "Réalité du timbre ? Virtualité
de l'instrument ! ", Analyse musicale, 18, janvier 1990, p. 68.
2- Edgard Varèse. Ecrits, Paris : C. Bourgois, 1983, p. 95.