Aspects de la contrebasse solitaire - DEUXIEME PARTIE : Quelques aspects de l'écriture - Conduite des voixDEUXIEME PARTIE : Quelques aspects de l'écriture > Conduite des voix
B- Conduite des voix
1- Polyphonie de notes
Cette partie traite de l'exploration d'une écriture polyphonique,
caractérisée par une conduite des voix. Plusieurs écritures polyphoniques se
manifestent : polyphonie réelle, polyphonie virtuelle.
a- Polyphonie réelle
Les techniques instrumentales sont semblables à celles énoncées précédemment
: doubles cordes, arpèges sont encore exploités , mais à des fins différentes.
Ainsi la recherche de l'amas sonore (partie A) se distingue de celle d'une
conduite des voix.
Les systèmes de notations diffèrent d'une pièce à l'autre, suivant l'intention
du compositeur, le degré de complexité de la polyphonie, et concrétisent ce type
de polyphonie envisagé.
- Plusieurs portées superposées pour plusieurs voix. Ce système de notation est
utilisé dans Théraps de Xénakis, Nuits de Scelsi, A mi. K. Giao
Trahn de Dao (jusqu'à cinq portées), La signature, la date...
d'Aperghis... Presque systématiquement, le numéro de corde est indiqué par le
compositeur, pour chaque note, ou pour une ligne entière. Dans l'oeuvre de
Scelsi, la notation elle-même indique qu'il y a conduite de deux voix .
Pourtant, c'est l'effet d'amas sonore qui s'impose à l'oreille. Les notes
rapprochées, les sonorités complexes, tendent à réunir les effets énoncés dans
la première partie (polyphonie harmonique).
- Une seule portée avec une disposition des notes précise
ex:
La présence de deux voix (ou plus) permet des effets polyphoniques. Dans son
oeuvre Crypte, Daniel Meier utilise une technique polyphonique
contrapuntique :
Exemple 1. Crypte, de D. Meier
Dans cette même oeuvre, une deuxième technique consiste à mettre en valeur
une phrase mélodique sur une note tenue à la basse (exemple 1) Plus loin, le
même système d'écriture est utilisé (exemple 2). Le geste instrumental est
différent, car les voix sont renversées.
Exemple 1. Crypte, de D. Meier
Exemple 2. id.
La polyphonie utilise les différents registres de la contrebasse. Les
différentes voix sont alors davantage marquées. A. MI. K. Giao Trahn
semble utiliser un instrument aigu, et un instrument grave, comme effet
polyphonique. La ligne mélodique de l'extrême aigu de la contrebasse (écriture
en notes réelles) est ponctuée par des ré (corde à vide, qui permettent de
garder la voix supérieure), par des accords en double corde (deux cordes à
vide). La voix grave devenant elle-même polyphonique , le compositeur suggère de
"quitter (si nécessaire) momentanément et brièvement la (les) notes (s), et d'y
revenir le plus vite possible, pour le jeu polyphonique."1 Pour
clarifier l'exécution, chaque note est affublée de son numéro de corde. Le
système est parfois formé de deux portées, la première correspond à la corde I,
la seconde à la corde II. La signature, la date... d'Aperghis, exploite d'une
façon similaire les registres contrastés de la contrebasse. Il s'agit d'un
système à quatre portées, chaque portée correspondant au jeu sur une corde.
Ces deux oeuvres, sont fondées sur une polyphonie complexe, atteignant les
limites du réalisable, par le nombre de voix qui s'enchevêtrent, et la
difficulté technique qui en découle.
Exemple 1.La signature, la date... de G. Aperghis
Un autre aspect de la virtuosité du jeu polyphonique concerne le mode de jeu
(notamment jeu de nuance) qui s'exerce sur chaque voix. Dans Le réveil
profond de Sceisi, chaque voix possède son propre jeu de nuances. Dès la
première mesure, la voix supérieure, est mezzo forte, la voix inférieure
mezzo piano. Puis à la troisième mesure, l'interprète doit exécuter un
crescendo sur la corde I, et un decrescendo sur la corde II, simultanément. A
Mi. K. Giao Trahn de Dao adopte un principe d'écriture similaire par le jeu
des nuances.
Exemple 2. A. Mi. K. Giao Trahn, de N. T. Dao
La difficulté technique apparaît clairement. La pression de l'archet doit
être plus forte sur une corde que sur l'autre, simultanément. L'emplacement de
l'archet sur les cordes agit également sur la nuance.
Dans les oeuvres telles que La signature, la date... (exemple 1 p.
54), A. Mi. K. Giao Trahn (exemple 2 p. 54), !a partition elle-même
suggère une conduite des voix. L' effet engendré permet il à l'auditeur qui ne
connaît pas la partition, de percevoir une conduite de chaque voix ; l'effet
d'amas sonore ne s'impose-t'il pas parfois plutôt comme résultat de la
complexité de l'écriture ?
1- N. T. Dao. A. Mi. K. Giao Trahn, Paris : Salabert, 1976, p. 1.