Aspects de la contrebasse solitaire - DEUXIEME PARTIE : Quelques aspects de l'écriture - Exploitation des harmoniquesDEUXIEME PARTIE : Quelques aspects de l'écriture > Exploitation des harmoniques
2- Exploitation des harmoniques
Avec l'exploitation des harmoniques, il n'y a pas
réellement d'écriture polyphonique (en opposition avec une écriture en double
corde, à deux portées...). L'effet polyphonique est cependant recherché.
Le mode de jeu sul ponticello implique dans des
oeuvres antérieures au vingtième siècle un jeu d'archet vers le chevalet.
Berlioz défini ainsi des "sons un peu âpres que tire l'archet quand on le
rapproche du chevalet1" Cet emplacement de l'archet sur les cordes
agit sur la nuance, sur la qualité du son. Encore utilisé dans la musique
contemporaine d'une telle façon, le mode de jeu sul ponticello se trouve
fréquemment adapté aux exigences du compositeur. L'archet doit se situer
beaucoup plus proche du chevalet, voire sur le chevalet. Il en résulte un
empilement complexe d'harmoniques, qui varie selon la pression de l'archet,
l'emplacement de l'archet sur la corde, la vitesse d'archet... La fondamentale
(qui est la note écrite sur la partition) peut disparaître, au profit d'une
complexité plus grande. Xénakis écrit dans les notes d'interprétation de
Théraps : "Le son Pont, doit être plein d'harmoniques supérieures de
sorte que le son fondamental n'émerge qu'à peine."2 L'exemple d'un
extrait de C'est bien la nuit de Scelsi est lui aussi révélateur :
Exemple 1. C'est bien la nuit, de G. Scelsi
Le jeu ponticello implique un effet polyphonique, puisqu'il y a
empilement d'harmoniques ; mais il ne peut prévoir quelles harmoniques vont être
concernées. Les sons multiphoniques, qui résultent eux aussi d'un empilement
d'harmoniques sont anticipés. Jean-Pierre Robert dans son ouvrage sur les modes
de jeu de la contrebasse propose un tableau des sons multiphoniques. Il remarque
que "s'agissant de la première communication sur ce sujet, toute étude gagnera à
être confrontée au temps, à l'expérience d'autres contrebassistes, aux
traitements électroniques... "3
Exemple 1. Modes de jeu de la contrebasse, de J. P. Robert
Le dernier des Cinq algorithmes de Philippe Boivin explore les
richesses harmoniques du son (la pièce s'intitule d'ailleurs Spectral).
Le compositeur utilise entre autres, les sons multiphoniques.
Exemple 2. "Spectral", Cinq algorithmes, de P. Boivin
La main gauche effleure donc les notes marquées par un losange. Philippe
Boivin spécifie : "les cordes effleurées à la quarte augmentée et sur les
doigtés notés en quarts de tons produisent des multiphoniques."4
La pièce J'ai tant rêvé de Sharon Kanach utilise ce même principe. La
notation est différente : le compositeur précise pour quelques notes "sons
multiphoniques".
1- Cité par Anne Penesco. Les instruments à archet dans les musiques du
vingtième siècle, Paris : Champion, 1992, p. 177.
2-lannis Xénakis. Théraps, Paris : Salabert, 1976, notes
d'interprétation.
3- Jean-Pierre Robert. Modes de jeu de la contrebasse, éd. J. P. Robert,
1992.
4- Philippe Boivin. Cinq Algorithmes, Paris : Salabert, 1991, notes pour
l'interprétation.