Aspects de la contrebasse solitaire - TROISIEME PARTIE : Exploration de l'instrument - NotationTROISIEME PARTIE : Exploration de l'instrument > Notation
3- Notation
Une mise en évidence de l'effet de percussion est nécessaire pour
l'interprète. Passer d'un jeu arco ou pizz à un jeu de percussion
implique un système d'écriture particulier. La portée de cinq lignes peut
disparaître, en même temps que la notion de note. Kurtz utilise une clef
spécifique, sur une portée de trois lignes, Druckman ajoute des lignes
supplémentaires sous la portée traditionnelle, ou inscrit un symbole sur
celle-ci. Dans J'ai tant rêvé de Kanach, une voix "percussion" se rajoute
au système..
La notation des effets souhaités par le compositeur n'est pas standardisée
comme nous l'avions déjà remarqué, pour d'autres modes de jeux (cf. chapitre I,
de cette même partie p.89).
Valentine de Druckman, Improvisations pour contrebasse seule de
Kurtz utilisent des symboles se référant à une notice. Les différences existant
dans les gestes exigés, dans les effets, les degrés de précisions, empêchent
d'aboutir à une normalisation des symboles. Un même symbole peut également
exprimer des modes de jeu différents. La croix
demande dans
Valentine de "frapper sur la table avec le bout des doigts", alors que dans
J'ai tant rêvé, le symbole ne se réfère à aucune explication. "Jeu de vie"
des Cinq Algorithmes de P. Boivin utilise ce même symbole pour un son
joué col legno tratto.
Toujours dans un souci permanent d'extrême précision, Zab de Boivin
dote le symbole d'une explication textuelle, d'un dessin du geste de la main, et
de la localisation de l'endroit de frappe.
Exemple 1. Zab, de P. Boivin
Dans Lignes interrompues de J. Richer, le dessin apparaît dans la
partition à l'endroit concerné, avec l'indication "fouillis d'ongle".
Jean Marie Colin utilise le "texte programme-d'action'" dans Gestique 12.
Un tableau récapitulatif 3 répertorie les oeuvres concernées par
ces modes de jeu percussifs, leur notation, leur effet.
Conclusion :
Une des préoccupations du compositeur est l'innovation notamment dans le
domaine sonore, par l'exploitation maximale des ressources de l'instrument.
L'étude de quelques aspects de la contrebasse dans la musique contemporaine, et
particulièrement dans le répertoire pour contrebasse seule, pose le problème du
"respect de l'instrument, témoin d'une histoire spécifique."4 Peut on
considérer que la liberté totale d'utilisation des possibilités d'un instrument,
entraîne une "dissolution de toute tradition instrumentale"5 ?
Philippe Albera écrit à propos des Sequenzas de Bério : "Le respect de
l'instrument, de son histoire, s'affirme dans le fait que Bério n'a jamais
cherché à modifier les instruments d'une manière ou d'une autre (à l'exemple du
piano préparé de John Cage). Les nouvelles techniques de jeu apparaissent, comme
une extension , non comme une modification."6
Cependant, cette "extension", associée à une rupture de la frontière entre
son et bruit, à une exploration extrême de l'instrument, aboutit en fait à un
éclatement de l'identité de l'instrument. "L'instrument reste limité, il a un
ambitus très vaste mais du point de vue de la puissance sonore, ce n'est pas une
clarinette ou un trombone mais il y a dans mon expérience de l'instrument à
faire qu'il s'assimile à des tas d'autres instruments, d'autres sonorités pour
finalement aboutir à en faire une contrebasse transformée par ces
identifications, ces extensions."7
1- I. Stoianova. Geste texte musique. Paris : C. Bourgois, 1978, p.
86.
2- "Exécuter des effets variés sur la caisse et les différentes parties de
l'instrument, bien marquer les différentes sonorités possibles."
3- Annexe 3, p. IX.
4- Philippe Albera. "Introduction aux neuf Sequenzas de Berio",
Musique en jeu, 1, septembre 1983, p. 91.
5- Frédéric Stochl, entretien avec Jean-Pierre Robert. Modes de jeu de la
contrebasse, éd. J. P. Robert, 1992.
6- Philippe Albera. Op. cit.
7- Frédéric Stochl. Op. cit.