Aspects de la contrebasse solitaire - TROISIEME PARTIE : Exploration de l'instrument - Recherche de timbres différentsTROISIEME PARTIE : Exploration de l'instrument > Recherche de timbres différents
2- Recherche de timbres différents
Les variations de timbres se trouvent fréquemment exigées dans les
partitions. Elles naissent d'un agencement des différents timbres engendrés par
la diversité des générateurs, et des endroits de frappe.
La main constitue le principal générateur du son. Bertram Turetzky distingue
cinq techniques différentes qui produisent cinq timbres différents : le pouce,
la paume, le bout des doigts, les ongles, le dos de la main.1 Joëlle
Léandre explique : "J'emploie les mains, les os, sur le côté, partout."2
D'une oeuvre à l'autre, les exigences concernant les générateurs sont
différents, et exprimés avec plus ou moins de précisions.
- Improvisations pour contrebasse seule, de Kurtz : articulation, plat
de la main, les doigts, le pouce.
- Valentine, de Druckman : doigts de la main droite ou de la main gauche.
Une baguette de timbale constitue un autre générateur du son (présence "rare"
d'un objet extra-instrumental).
- Piège I, de Richer : les ongles.
- Zab, de Boivin : la précision semble maximale, avec l'utilisation du
gras du deuxième doigt à plat et bien raide, le tranchant extérieur du pouce, la
deuxième phalange..., la tête (Philippe Boivin spécifie dans la partition
"attention aux bosses" ! )
D'autres oeuvres, Gestique I de Colin, J'ai tant rêvé de Kanach,
ne nomment pas de générateurs précis, il est sous-entendu qu'il s'agit alors de
la main.
La plupart des oeuvres citent comme endroit de frappe, la caisse, la table,
laissant le soin à l'interprète de chercher une localisation précise, pour un
timbre approprié. De même que les générateurs sont extrêmement précis dans
Zab de Boivin, les endroits de frappe y sont soigneusement décrits (cf.
exemple 1 p. 93 ).
Les exigences concernant les variations de timbres s'affirment dans les
partitions et reflètent cette préoccupation commune aux compositeurs. Dans les
oeuvres, où seule la caisse est nommée comme endroit de frappe, l'interprète
prend conscience de l'importance de la richesse des timbres, par des indications
diverses. Dans Improvisations pour contrebasse seule, le contrebassiste, par le
symbole doit
déplacer ses deux mains de haut en bas. Valentine, de Druckman,
Gestique 1 de Jean-Marie Colin font apparaître encore plus nettement la
recherche de timbres différents successifs. La première oeuvre indique : "la
frappe sur la table doit changer de place pour que le timbre change." (symbole
)
Exemple 1. Valentine, de J. Druckman
J. M. Colin écrit dans Gestique 1 : "exécuter des effets variés sur la
caisse et les différentes parties de l'instrument, bien marquer les diverses
sonorités possibles."
Dans une partition, comme celle de Zab de Boivin, ou chaque endroit,
et technique de frappe sont indiqués par un symbole, l'interprète n'est pas
libre dans la recherche de variation de timbre ; il traduit gestuellement la
succession de symboles écrits.
Exemple 2. Zab, de P. Boivin
Différents modes de jeux s'enchaînent, avec des rythmes différents : frappe
simple (doigts 1, 2, 3, serrés à plat), frappe sourde (articulation paume
poignet), frappe sèche (tranchant extérieur du pouce)...
L'écriture percussive de Zab, est fondée sur la technique du zarb
iranien, d'un extrême raffinement, basée sur la diversité des attaques, et
permettant plusieurs hauteurs de sons. Philippe Boivin demande effectivement,
d'"accorder la plus grande importance à la qualité de la frappe, aux accents,
ainsi qu'aux nuances, afin de bien faire ressortir les différents plans. Ne pas
hésiter à exagérer les contrastes."3
1- Bertram Turetzky. Op. cit., p. 29.
2- Joëlle Léandre. Documentation CDMC.
3- Philippe Boivin. Zab, ou la passion selon Saint Nectaire, inédit,
notes d'interprétation.