Aspects de la contrebasse solitaire - TROISIEME PARTIE : Exploration de l'instrument - Les registres extrêmesTROISIEME PARTIE : Exploration de l'instrument > Les registres extrêmes
b- Les registres extrêmes
L'utilisation des registres extrêmes, toujours avec un mode de jeu classique,
révèle des qualités sonores méconnues.
La contrebasse dans l'orchestre traditionnel, ou en musique de chambre est
appréciée pour son registre grave. Les graves constituent un soutien de
l'harmonie. Dans les pièces pour contrebasse et orchestre, ou même contrebasse
et piano, le registre grave est peu prisé, car il ne parvient pas à s'imposer
face à l'accompagnement. Au vingtième siècle, malgré le rejet des fonctions
traditionnelles de la contrebasse, marqué par le développement des pièces pour
contrebasse seule, les graves ne sont pas reniés . L'exploration du registre
grave permet d'obtenir des sonorités méconnues. "Le grave a l'image de la
dramaturgie, l'expression d'une certaine violence, d'un fourmillement qui
déplace, qui va gêner, qui contient toute une tragédie."1
La limite grave dépend de l'accord de la corde grave. Jean Pierre Robert définit
la note la plus grave comme étant le ré -2 (son entendu). Pour
descendre encore l'accord, il faut surélever le chevalet.2 Dans Théraps, de
Iannis Xénakis , le grave est associé à une image de force et d'investissement
physique hors du commun (c'est l'esprit même de la pièce). Le registre grave
constitue un des éléments contribuant à cette image. Observons la première
mesure :
Exemple 1. Théraps, de Xénakis
Le grave peut servir un axe de recherche différent. Dans Convergence II de Taïra,
le registre grave est étendu par une scordatura (accord de la contrebasse :
mib
si fa sib). Le timbre du mi bémol est exploré à l'aide de jeux de nuances (de
p
à fff), de pression d'archet (de arco normal, à "écraser la mèche à plat"), de
dynamiques diverses. La recherche est totalement différente de celle de Théraps.
Episode huitième de Betsy Jolas exploite également "les tréfonds "3 de
l'instrument.
Exemple 2. Convergence II, de Y. Taira
Par la scordatura, le registre grave va au-delà de la limite imposée par
l'accord traditionnel. Dans A. Mi. K. Giao Trahn, Dao demande à l'interprète de
dévisser la corde grave au maximum, de façon à obtenir un son "flasque". Les
propriétés du grave (son épais) sont amplifiées à des fins particulières. Les
notes exécutées sur cette corde, sont alors ainsi notées :
Exemple 3. A. Mi. K. Giao Trahn, de Dao
Si le registre grave est utilisé abondamment à l'orchestre, lorsque la
contrebasse recouvre sa fonction de soutien harmonique, le registre aigu est
plus spécifique au répertoire pour contrebasse soliste (même soliste face à un
ensemble instrumental), et aux pièces pour contrebasse seule. La limite aiguë
dépend de la longueur des touches. Généralement, elles vont jusqu'à4:
(Nous évoquons ici, les notes appuyées, et non les harmoniques)
Dans Théraps, l'interprète doit aller au-delà de la touche, donc au-delà du si.
L'écriture en micro-tons, la rapidité d'exécution s'associent à l'utilisation du
registre aigu. Le son obtenu est à la limite du grincement. Au cours des oeuvres
pour contrebasse seule que nous considérons, jamais pareil extrême de l'aigu,
par des notes appuyées n'est atteint. Lorsque
Taïra demande à l'interprète dans Convergence II d'atteindre une note la
plus aiguë, (symbole), son utilisation est
succincte.
La réalisation de notes aiguës, exige de l'interprète un geste du bras, (la main
doit atteindre le bas de la touche), et du corps tout entier, qui peut être
recherché , au même titre que la sonorité acide de l'extrême aigu.
1- Joëlle Léandre. Documentation CDMC.
2- Jean-Pierre Robert. Op. cit.
3- Jean-Noël von der Weid. Livret du CD "Joëlle Léandre contrebasse et voix",
1988, p. 2.
4- Jean-Pierre Robert. Op cit.