Aspects de la contrebasse solitaire - DEUXIEME PARTIE : Quelques aspects de l'écriture - Théraps : le glissandoDEUXIEME PARTIE : Quelques aspects de l'écriture > Théraps : le glissando
b- Théraps : le glissando
L'exécution de cette oeuvre mène l'interprète "jusqu'au gouffre, et au-delà"1.
Les premières mesures semblent d'emblée atteindre les limites physiques de
l'interprète.
Exemple 1. Théraps, de I. Xénakis
Les doubles croches sont affublées chacune d'un glissando. La main gauche doit
glisser sur la touche du ré dièse (sur la corde de la) jusqu'au sillet. La
distance à parcourir en l'espace d'une double croche est (à titre purement
indicatif) de environ trente centimètres. L'interprète peut également utiliser
la corde IV. La nuance fff et l'indication crushing the string contribue à cette
performance physique.
Théraps fait alterner deux "zones contrastantes". Une zone dans laquelle la
musique est en état de flux", une autre constituée de "paires de son
harmoniques"2 (jeu en double corde). La première zone nous intéresse
particulièrement pour ce chapitre. C'est donc à partir de la notion de glissando
que Xénakis développe un caractère véloce.
Traditionnellement, le glissando est une "courbe lisse"3 (espace continu). Il
est représenté par le signe
. Présent sous cet aspect dans
Trittico per
G. S. , ou dans le début de Théraps (exemple 1), il apparaît ici sous un
aspect différent. La vélocité dans Théraps réside justement dans cette
différence. Le glissando est réalisé par le glissement d'un doigt sur la touche
de la contrebasse, entre deux notes déterminées. Pour qu'il y ait effet de
glissando dans un espace strié, les notes conjointes (micro-tons) doivent se
succéder avec vélocité. Les hauteurs sont précisément déterminées. A propos des
jeux de main droite et main gauche, Xénakis propose :
"Les traits chromatiques sont joués, autant que possible avec un seul doigt qui
glisse par saccades d'une note à la suivante sans quitter la corde tout en
respectant au maximum les durées des notes pendant les arrêts des doigts.
L'archet ne devra pas articuler chaque note du trait, mais il faudra user d'un
exécution legato, en changeant l'archet quand c'est nécessaire et en des points
judicieux de la musique en prenant grand soin de ne pas casser la ligne."4
La finalité de cet exercice de performance est elle l'effet réel du glissando,
ou l'effet d'un glissando virtuel ? Le fait de n'utiliser qu'un seul doigt, et
non l'articulation des doigts sur la touche donnerait l'idée d'un glissando
réel. Mais les "saccades" , les "arrêts du doigt", (d'ailleurs très nets dans
l'interprétation de Kaiso Misoiri5) stoppent ici cette comparaison. Les notes
d'interprétation tendent à associer le "glissando strié" à un glissando doté
d'une dimension expressive particulière, recherchée.
1- Barry Guy cité dans Iannis Xénakis. Théraps, Paris : Salabert, 1976, notes
d'interprétation.
2- Barry Guy. Ibid.
3- G. Mathon. Les rumeurs de la voix, thèse de doctorat, université Paris VIII
Saint Denis p. 29.
4- Iannis Xénakis. Théraps, Paris : Salabert, 1976, notes d'interprétation.
5- Festival international de contrebasse, Avignon, août 1994.