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LA MUSIQUE ET LES MUSICIENS - CHAPITRE PREMIER - Étude du son musical - Production du son - Vibrations des tuyaux > CHAPITRE PREMIER - Étude du son musical > Production du son - Vibrations des tuyaux Mais les cordes ne sont pas les seules sources sonores exploitées par les
musiciens, et nous avons encore à examiner deux autres modes de production du
son, les tuyaux et les plaques ou membranes.
Ce n'est pas au hasard que nous avons choisi les cordes comme début dans cette
étude; seules elles nous permettaient de rendre les expériences visibles et
tangibles. A présent que nous savons comment se produit chez elles le phénomène
sonore, il nous sera plus aisé de comprendre, par analogie, la façon dont les
sons se forment dans les tuyaux.
Là aussi les vibrations sont isochrones; elles varient selon la longueur des
tuyaux, elles se subdivisent, comme celles des cordes, pour produire les
harmoniques; là aussi nous retrouvons des nœuds et des ventres, là aussi les
différences d'intonation, d'intensité et de timbre reconnaissent pour cause des
modifications de vitesse, d'amplitude et de forme; il y a donc les plus grands
rapports entre les phénomènes que nous avons déjà expliqués et ceux que nous
avons à analyser; mais les lois ne sont plus absolument les mêmes.
Tout d'abord, de palpable et apparent qu'il était, le corps sonore devient
invisible et intangible; c'est l'air, c'est la colonne d'air contenue dans
l'intérieur du tuyau; et le rôle du métal, du bois ou de la substance
quelconque dont il est fait se borne uniquement à déterminer la forme et les
dimensions de la masse d'air qu'il emprisonne, qui seule vibre.
Ce point est très important à saisir; il n'y a pas très
longtemps qu'il a été démontré, et beaucoup d'artistes, même parmi ceux qui
cultivent les instruments à vent, ne l'admettent qu'avec difficulté. Or il est
certain que quatre tuyaux, l'un en buis, l'autre en ébène, le troisième en
cuivre et le quatrième en porcelaine ou toute autre matière, si on arrive à leur
donner identiquement la même longueur, le même diamètre, le même degré de poli
intérieur et de résistance, et en toute chose la plus complète ressemblance,
produiront des sons qui ne différeront en rien, pas plus par la force que par la
hauteur ou la qualité de son. La substance dont est fait le tube sonore n'a
aucune influence sur ses vibrations; ses dimensions exactes font tout, et le
tuyau lui-même ne prend aucune part à la production du son. D'éminents facteurs,
Sax à Paris et Manillon à Bruxelles, ont construit, pour démontrer
expérimentalement ce fait, l'un des clarinettes en cuivre, l'autre une trompette
en bois, sans parvenir à déraciner entièrement les idées fausses que beaucoup de
musiciens conservent à cet égard; plus récemment, un physicien connu et un
modeleur, Reghizzo et Columbo, se sont associés pour construire à Milan un orgue
dont les tuyaux sont en carton. Moi-même je possède plusieurs cors des Alpes
suisses en écorces enroulées, et une sorte de cornet à bouquin en bois,
d'origine finlandaise, qui donnent exactement l'impression de la trompette ou
d'autres instruments en cuivre. Bien mieux, dans certains jeux d'orgue, pour des
raisons d'économie, les tuyaux les plus graves sont souvent construits en bois,
tandis que le métal est employé pour ceux du médium et de l'aigu, sans qu'il en
résulte une différence appréciable dans le timbre général. Il faut donc
s'habituer à considérer comme seul corps sonore, dans les instruments à vent,
l'air qu'ils contiennent.
Un tube peut être ouvert à ses deux extrémités ou à l'une d'elles seulement,
et la colonne d'air se comporte de
façon différente dans ces deux cas, que nous devons par conséquent étudier
séparément.
Nous commencerons, pour plus de clarté, par les tubes ouverts aux deux bouts,
qu'on appelle tuyaux ouverts.
Ici, inversement à ce que nous avons observé pour les cordes, la forme la plus
simple de vibration, celle qui fournit le son fondamental, se compose d'un seul
noeud au milieu du tube et de deux ventres, un à chaque extrémité; et quand on y
pense bien, c'est tout naturel. Comment est causé ici l'ébranlement sonore? Par
un souffle léger et régulier que nous faisons passer perpendiculairement
au-dessus de l'un des orifices, comme quand on siffle dans une clef; ce souffle,
se brisant contre les parois du tube, engendre le frémissement d'où naissent les
vibrations ; or, où pourraient-elles être plus vigoureuses qu'à l'endroit même
où le souffle se produit, c'est-à-dire
à l'extrémité du tube? C'est donc là un point de très forte vibration, un
ventre. Le nœud qui se forme spontanément au milieu du tuyau a pour effet de
diviser la colonne vibrante en deux demi-segments qui représentent la somme du
segment unique d'une corde rendant son son principal (fig. 14). Quand la corde
donne sa note fondamentale, elle est ébranlée par le milieu; le tuyau, lui, est
mis en vibration par un de ses bouts; de là la différence de forme, qui
entraîne nécessairement avec elle, comme nous le savons, une différence de
timbre.
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