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LA MUSIQUE ET LES MUSICIENS - CHAPITRE PREMIER - Étude du son musical - Production du son - Complexité des vibrations > CHAPITRE PREMIER - Étude du son musical > Production du son - Complexité des vibrations Le mode de subdivision de la corde en segments vibrants pour la production des
harmoniques, que nous
venons d'exposer théoriquement, peut être démontré et rendu visible par un
procédé des plus simples. Il suffît pour cela de placer à cheval sur la corde
des petits morceaux de papier léger qui trahiront ses moindres oscillations,
puis de répéter les expériences précédentes. Ceux de ces petits cavaliers qui
auront été placés sur des noeuds, points où le mouvement vibratoire doit être
considéré comme nul, resteront immobiles; au contraire, ceux qui se trouveront
dans le voisinage des ventre, seront violemment agités ou même projetés à
distances désarçonnés.
La dimension convenable à leur donner est celle-ci (fig. 12). Pour démontrer la
formation de l'harmonique 4, placez 4 cavaliers blancs sur les 4 ventres
(12,37, 62, 87 cent, approximativement), et 3 cavaliers d'une autre couleur sur
les 3 nœuds (25, 50, 75 cent.). Effleurez la corde à 25 cent., ébranlez-la vers
l'une de ses extrémités, et, en même temps que vous
entendrez se produire le son
, vous verrez tressaillir les 4 cavaliers blancs, taudis que les 3 autres resteront impassibles,
ce qui est concluant (fig. 11).
L'harmonique 3 vous permettra de culbuter 8 cavaliers placés au milieu des 8
segments vibrants, et en respectera 7 autres si vous les avez bien mis
exactement aux 7 points de la corde où doivent se former les 7 nœuds.
Nous aurons lieu souvent de recourir à ce même système pour d'autres expériences
plus délicates.
Jusqu'à présent, nous avons étudié le mode de vibration d'une corde considérée
dans son étendue totale, puis
la façon dont elle se comporte lorsqu'elle est sectionnée par un léger contact
en deux ou plusieurs segments vibrant séparément.
Dans le premier cas elle produit un son unique, dit son fondamental, dont la
force dépend de l'amplitude des vibrations, et qui ne peut varier qu'en raison
de la longueur, de la grosseur, de la tension ou de la densité de la corde ;
dans Le deuxième cas nous la voyons, se subdiviser et faire entendre de nouveaux
sons, ses harmoniques, qui exigent des vibrations 2 fois, 3 fois..... 10 fois
plus rapides.
Ce qu'il faut comprendre maintenant, c'est que jamais une corde ne vibre dans sa
forme la plus simple, mais qu'à son grand mouvement général s'adjoignent
toujours plus ou moins des mouvements partiels. Il est même vraisemblable que
les mouvements partiels sont les premiers provoqués, et qu'en s'additionnant ils
engendrent le mouvement général dont seul nous avons la perception nette. C'est
dire qu'on n'entend jamais un son absolument pur, mais toujours un son
accompagné de quelques-uns de ses harmoniques (sons concomitants).
Si notre oreille ne les distingue pas, c'est uniquement par manque d'habitude et
parce que l'attention n'est pas appelée sur ce point ; mais leur existence ne
peut être mise en doute, bien qu'il soit assez difficile de s'en rendre compte
d'une manière directe.
Avec beaucoup d'attention, une oreille exercée arrive pourtant à distinguer ceux
des sons partiels qui ne sont pas en rapport d'octave avec le son principal1,
c'est-à-dire sur la note
, les harmoniques impairs
; le piano et l'harmonium se prêtent assez
bien a cette expérience. La meilleure manière de s'y prendre pour cela est de
jouer d'abord très doucement l'harmonique dont on désire constater la présence,
afin de l'avoir bien présent à l'idée ; puis, après l'avoir laissé éteindre,
attaquer vigoureusement le son fondamental et écouter longuement, car c'est
souvent au moment où le son 1 est près de cesser que les autres sons partiels se
dégagent plus nettement.
Autre procédé : sur le monocorde, immobilisez un point nodal, comme nous l'avons
déjà fait, avec le doigt, ou une barbe de plume, ou un petit pinceau de crins,
de façon à obtenir en pinçant la corde le son partiel correspondant à la
division que vous avez provoquée ; continuez à pincer la corde en diminuant
progressivement ta pression sur le noeud, en lui rendant graduellement la
liberté ; le son fondamental apparaîtra peu à peu, puis prendra la
prépondérance, sans que vous perdiez pour cela la notion du son partiel visé,
même au moment où tout contact aura cessé.
A défaut de monocorde, cette expérience peut se faire sur une corde de piano, de
violoncelle, etc.; en ce cas on détermine le point à effleurer en mesurant la
longueur de la corde, et en la divisant par 3, 5 ou 7, selon le son partiel
qu'on désire isoler.
Plus tard, quand nous parlerons des résonateurs et des vibrations par
influence, nous indiquerons d'autres moyens d'investigation de nature à mettre
en évidence la complexité des vibrations. Pour le moment, il suffit de savoir
que ce fait incontestable est aussi bien démontré expérimentalement que par la
théorie mathématique.
Or, nous arrivons ici et par cela même à expliquer l'une des choses les plus
intéressantes pour les musiciens, à savoir la cause du timbre, de la
qualité de son.
L'intensité des sons dépendant de l'amplitude des vibrations, l'intonation variant selon leur nombre, on est resté longtemps à
découvrir ce qui pouvait bien produire les différences de timbre: c'est la forme
des vibrations, autrement dit la coexistence, simultanément avec le son
principal, de tels ou tels de ses harmoniques.
Et on conçoit la variété infinie des timbres en considérant que la moindre
modification dans le mode d'ébranlement de la corde, ainsi que dans le point
précis où elle est attaquée, est de nature à déterminer ou à empêcher la
formation de l'un ou l'autre des sons concomitants.
Ainsi, par exemple, une corde pincée, frappée, ou frottée par l'archet près de
son centre, ne pourra posséder son 2e harmonique, l'octave, ni aucun harmonique
pair, puisque ceux-ci exigent un noeud au point 50, tandis que l'ébranlement y a créé un ventre. Au contraire, en attaquant à l'un des tiers, à 33 ou à 66, on
supprime les sons partiels 3, 6 et 9, ce qui donne aux autres une prépondérance
apparente. D'une façon générale, on favorise le développement des harmoniques en
attaquant la corde près de l'une de ses extrémités fixes. La matière qui forme
le marteau qui frappe, la rapidité de l'attaque, la tension de l'archet, la
façon dont il est enduit de colophane, le degré de souplesse ou de rugosité du
doigt qui pince la corde, sont autant de causes qui peuvent modifier la forme de
la vibration ; si nous ajoutons que les harmoniques aigus se produisent plus
aisément sur les cordes longues, et fines, nous aurons, je crois, passé en revue
la plupart des circonstances qui sont de nature à produire et à faire varier la
qualité du son, le timbre musical, en ce qui concerne les sons produits par des
cordes.
Or, un son ne nous produit une impression agréable, musicalement parlant, que
s'il est suffisamment timbré, coloré et caractérisé par la présence de
quelques-uns de ses harmoniques; théoriquement pur, il nous paraîtrait fade,
sans timbre.
Ce que nous appelons un son riche, chaud, qu'il s'agisse d'une voix ou d'un
instrument, c'est un son qui est tout naturellement accompagné par un certain
nombre d'harmoniques, dont nous n'avons pas la perception distincte, mais qui
lui donnent sa couleur caractéristique.
1. Ce qui les fait confondre trop aisément.
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