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LA MUSIQUE ET LES MUSICIENS - CHAPITRE PREMIER - Étude du son musical - Sonorité des salles - Échos > CHAPITRE PREMIER - Étude du son musical > Sonorité des salles - Échos La pire des choses pour une salle, qu'elle soit destinée à la musique ou à la
parole, c'est de présenter des échos ou des répercussions. Or, nous ne sommes
guère plus capables d'éviter un écho que d'en produire un. Je ne sais où j'ai lu
l'histoire d'un Anglais qui, ayant trouvé en voyage une maison isolée dans
laquelle se produisait un écho remarquable, l'acheta, en numérota les pierres,
les fit transporter, et fit reconstruire la même maison, identiquement
semblable, avec les mêmes matériaux, dans sa propriété, en Angleterre. L'écho
n'y était plus, et, nécessairement, l'Anglais se fit sauter la cervelle. Vraie
on non, cette histoire est absolument vraisemblable. Il existe une quantité
d'échos célèbres ; les uns sont des phénomènes naturels, et se produisent dans
des vallées, dans des grottes, où on les a découverts ; d'autres ont été créés
par la main de l'homme dans des édifices, mais involontairement; on les
explique, on se rend compte de leur raison d'être, mais on ne saurait pas en
construire d'exactement semblables.
Les Vasques du Louvre, au musée des Antiques, et la fameuse salle du
Conservatoire des Arts et Métiers ne présentent que des phénomènes de
renforcement de la sonorité au moyen de la réflexion des rayons sonores par des
surfaces dont la courbure a été combinée à cet effet, comme on le ferait en
optique pour des jeux de glaces. Il n'y faut pas voir des échos, dans le sens
vrai du mot.
Le foyer de l'ancien Opéra de Berlin, construit en 1743 et détruit par un
incendie un siècle plus tard, présentait un phénomène analogue.
Voici ce qu'on sait de positif, ou à peu près positif, à ce sujet : le son se
réfléchit sur une surface quelconque, comme la lumière sur une surface polie, et
selon la même loi (l'angle d'incidence est égal à l'angle de réflexion) ; il
parcourt 340 mètres par seconde ; d'autre part, nous ne pouvons guère émettre
plus de dix syllabes, ou dix sons musicaux distincts, en moins d'une seconde,
soit une syllabe en un dixième de seconde; pendant ce temps, le son a parcouru
34 mètres: s'il rencontre une surface réfléchissante, il revient en arrière avec
la même vitesse, c'est-à-dire en un deuxième dixième de seconde, et nous le
percevons comme écho. Donc, il ne peut pas exister un écho à moins de 34 mètres,
et encore n'est-il apte à répéter qu'un seul son, ou une syllabe; pour qu'il en
répète deux, il faudrait une distance double, 68 mètres, etc. C'est ce qui
arrive fréquemment dans les montagnes.
Au-dessous de 34 mètres, s'il n'existe pas d'écho nettement caractérisé,
répétant distinctement les articulations, il peut se produire des répercussions
tout aussi désagréables ; j'entends ici par répercussion une sorte d'écho
incomplet, trop court, dans lequel le son réfléchi fait retour à l'oreille si
rapidement qu'il se confond avec le son direct, qu'il paraît prolonger et
renforcer par un bourdonnement pénible et fatigant. Les voûtes des cathédrales
produisent presque toujours des échos et des répercussions qui ne sont certes
pas sans majesté, mais qui rendent souvent la parole inintelligible et
dénaturent toute combinaison musicale ; il n'existe que peu de grandes églises
qui puissent être considérées comme vraiment bonnes pour la musique; aussi
évite-t-on en général, dans les compositions destinées à l'église, les
successions rapides de sons, qui augmenteraient les chances de confusion, en
même temps qu'elles détruiraient le caractère de solennité.
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