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Dix écrits de Richard Wagner - Avant-propos (4/4) > Avant-propos (4/4) Au milieu de ce monde frivole et vain, Wagner sentit
— chose étrange ! — s'épanouir dans son âme les fleurs de l'Idéal. Au Grand
Opéra qui, par aventure, avait pu échapper aux fortes et terribles étreintes de
la Routine, il avait assisté à d'excellentes et lumineuses représentations du
Freischüts (1). Indépendamment de cela, il avait entendu, « sous l'admirable
direction d'Habeneck, au Conservatoire, des exécutions réellement parfaites des
symphonies de Beethoven » (2), de la Symphonie avec chœurs, principalement (3),
exécutions qui le transportèrent et l'initièrent « aux merveilleux mystères de
l'art véritable » (4). Ces auditions furent, pour lui, fécondes en
enseignements. Weber et Beethoven lui apprirent à dédaigner l'opéra italien
ainsi que l'opéra français et à se laisser guider à la gloire par la nouvelle et
brillante étoile qu'il venait d'apercevoir dans le ciel, du coté de l'Allemagne.
A l'avenir, il ne pouvait plus s'écarter de sa route. Il avait longuement
réfléchi sur son art : ses idées étaient claires, distinctes, bien déterminées,
bien ordonnées ; le Drame-Musical-Poétique-et-Plastique, pour employer la juste
et précise expression de M. Louis-Pilate de Brinn'Gaubast, était déjà ébauché
dans son cerveau. Les articles de la Gazette musicale sont les premières
manifestations d'un naissant génie conscient de ses forces.
En résumé, une personnalité énergique, hardie, originale éclate dans ces écrits.
Ils dénotent un jeune héros qui a rêvé sur la destinée de l'Art, qui aspire à
s'affranchir du joug de la tradition, et songe à un brillant et glorieux avenir.
Ils sont prophétiques. Ils sont comme l'embryon des grandes œuvres théoriques : l'Art et la Révolution,
l'Œuvre d'Art de
l'Avenir, Opéra et Drame, Indispensables à qui souhaite connaître la genèse de
la pensée wagnérienne, ils sont utiles à la compréhension des œuvres dramatiques
et des œuvres musicales du Maître.
Ces articles ont été traduits par Duesberg, préposé à la Gazette musicale pour
la correspondance allemande (5). Hormis un, la Revue critique sur le « Stabat
Mater » de Pergolèse, rejeté par Wagner comme négligeable, ils se trouvent tous
dans le premier volume des Gesammelte Schriften und Dichtungen. J'ai comparé le
texte français au texte allemand. Duesberg a fait une traduction non pas
servile, littérale, mais généralement fidèle. Il a gardé un juste milieu entre
la licence du commentaire et la servitude de la lettre. Il ne s'est donc pas
départi de la règle qui exige que la fidélité de l'interprétation soit la
première condition de toute bonne traduction. Quant à son style, il m'a paru
parfois quelque peu lourd, asymétrique et négligé. La construction de la phrase
allemande a communiqué momentanément à la phrase française un mouvement douteux.
Mais cela arrive rarement. Somme toute, le style de Duesberg est d'ordinaire
naturel et facile, très souvent même élégant et élevé. Toujours, la pensée
wagnérienne est décemment exprimée. C'est l'essentiel.
Voilà les motifs qui m'ont déterminé à livrer ces écrits
au public qui, sans la présente exhumation, était menacé de les ignorer
peut-être pendant de longues années encore. Il ne me reste qu'à formuler un
ardent souhait. Puisse ce livre servir le progrès, et contribuer à la
connaissance du « dominateur de ce siècle », du « dieu Richard Wagner » qui
donne à l'âme humaine contemporaine le pain spirituel dont parle Racine :
Le pain que je vous propose
Sert aux anges d'aliment ;
Dieu lui-même le compose,
De la fleur de son froment... !
Henri Silège.
Juillet 1898.
(1). La première représentation du Freischütz, à l'Académie royale de musique,
eut lieu le 7 juin 1841.
(2). L'Œuvre et la Mission de ma Vie, p. 42.
(3). La Neuvième symphonie fut exécutée au Conservatoire le 8 mars 1840, le 2
mars 1841 et le 9 janvier 1842.
(4). Souvenirs, p. 39.
(5). De la Musique Allemande...... 1840... n° 44 et 46.
« Stabat Mater » de Pergolèse. 1840... n° 57.
Du Métier de Virtuose......... 1840 .. n° 58.
Une Visite à Beethoven........ 1840... n° 65,66,68,69.
De l'Ouverture................ 1841... n° 3, 4, 5.
Un Musicien étranger à Paris... 1841... n° 9, 11, 12.
Le Musicien et la
Publicité.... 184I... n° 26.
Le Freischütz.................. 1841... n° 34,35.
Une Soirée heureuse...........I841... n° 56, 58.
Halévy et la «Reine de Chypre » 1842... n° 9, 11,17,18. ***
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