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Accueil de la bibliothèque > Dix écrits de Richard Wagner Dix écrits de Richard Wagner - Avant-propos (2/4) > Avant-propos (2/4)

Wagner entra donc dans l'été de 1840 « complètement dénué de toute perspective prochaine (1). Mais il n'était pas homme à se laisser facilement déconcerter, et l'inanité de tous ses efforts pour essayer de réussir dans ses hardis
desseins ne put rompre le fil de ses projets. Se vouant pendant quelque temps à une retraite volontaire, il résolut de terminer son Rienzi et de l'offrir sans retard au théâtre royal de Dresde. Cette réclusion, qui l'empêcha de travailler pour le lucre, le précipita naturellement dans un abîme de malheurs. « Des soucis de diverses sortes, une misère noire tourmentèrent ma vie à cette époque » s'écrie-t-il dans son Esquisse autobiographique (2). Effectivement il était à ce moment-là dans un affreux dénûment. Les meubles qu'il avait achetés à crédit, escomptant le succès de sa Défense d'aimer, il ne pouvait les payer, et les créanciers le poursuivaient sans trêve. Dans sa détresse, il interrompit momentanément son travail pour se rabaisser jusqu'à mettre en musique un vaudeville de Dumersan et Dupeuty : la Descente de la Courtille. Un nouvel et dur insuccès fut le prix de ses peines : proh pudor! les chœurs des Variétés déclarèrent que cette musique était inexécutablement écrite. Près de mourir de faim, il essaya alors de se faire engager comme choriste dans un théâtre nain du boulevard! Cette ultime et désespérée tentative fut vaine.

Heureusement, Meyerbeer arriva à Paris et s'informa de Wagner. Il vit en pitié les insurmontables malheurs de son protégé, et, prenant chaudement ses intérêts, le recommanda à Léon Pillet qui ralluma une vive espérance dans le cœur de l'infortuné en lui promettant de faire représenter un opéra en deux ou trois actes da sa composition. Meyerbeer quitta Paris sur ces entrefaites. Sans délai, Wagner écrivit le canevas du Hollandais volant, et le soumit au directeur du Grand Opéra. Celui-ci, enthousiasmé par la lecture du scénario, fit une offre à son auteur : il lui proposa de lui acheter son sujet de drame pour le donner à Dietsch, le chef d'orchestre de l'Académie royale de musique. Il lui annonça en même temps qu'il ne pourrait accepter aucun opéra avant quatre ans, engagé qu'il était par les promesses faites à de nombreux candidats. Le jeune artiste, qui entrevoyait la fin du voyage de Meyerbeer, rejeta la proposition de Pillet et demanda l'ajournement de la question.

Pendant ce temps, Wagner fut exhorté par Maurice Schlesinger à écrire quelques articles pour la Revue et Gazette musicale de Paris. Il publia à cette intention les critiques, les nouvelles, les caprices esthétiques, les comptes-rendus et les fantaisies qui composent le présent livre. Ces écrits contribuèrent puissamment à le tirer de l'obscurité où il avait vécu jusque-là. Une visite a Beethoven et Un musicien étranger à Paris plurent extrêmement à Heine. Berlioz leur décerna de justes et enthousiastes éloges dans le Journal des Débats.

Tout en écrivant des articles, soit pour la Gazette musicale, soit pour les revues allemandes, l'Abendzeitung de Dresde, la Neue Zeitschrift fûr Musik de Schumann, l'Europe d'Auguste Lewald, où il publiait les Fatalités Parisiennes pour un Allemand et les Amusements parisiens sous le pseudonyme de Freudenfeuer — Feu de joie — Wagner travaillait jour et nuit à son Rienzi. La partition de cet opéra fut parachevée le 19 novembre 1840.

Cette date marque l'apogée des souffrances que Wagner éprouva à Paris, jamais artiste ne tomba dans une plus générale et plus extrême détresse. Non seulement il devait régler ses goûts, mais encore se contraindre à descendre aux misérables détails de la vie matérielle. Il était en proie aux chagrins domestiques, et les plaintes amères que le manque des choses nécessaires arrachait à Wilhelmine Planer l'attristaient sans cesse. Le vol de son fidèle et caressant terre-neuve avait achevé de faire le vide dans sa maison. Une seule fiche de consolation lui restait : c'était de pouvoir promener son inquiétude au milieu d'un monde qui lui était étranger. La gloire, de son côté, n'avait pas été prodigue de consolations. L'ouverture composée pendant l'hiver de 1839 à 1840 pour la première partie du Faust de Goethe, il l'avait vu rayer du programme des Concerts du Conservatoire. Celle de Christophe Colomb, exécutée dans un concert offert à ses abonnés par la Gazette musicale, n'avait pu être justement appréciée : les cuivres avaient joué faux sans discontinuer. Quant à l'ouverture de Polonia, présentée à Duvinage, chef d'orchestre du théâtre de la Renaissance, pour être révélée à la représentation de gala donnée par la princesse Czartoryska au bénéfice des Polonais sans travail, elle n'avait mène pas reçu les honneurs de l'examen. Ses autres œuvres, romances et opéras, n'avaient pas eu plus de succès. Ainsi toutes ses espérances avaient été trompées.

Une telle adversité n'abattit point Wagner. Obligé, pour se procurer du pain, de se livrer aux « travaux les plus rebutants » (3), il réduisit pour piano et chant la Favorite de Donizetti et fit des arrangements sur des opéras comme l'Elisire d'Amore, la Favorite, le Guittarero, les Huguenots, la Reine de Chypre, Robert le Diable, Zanetta, etc. Il a écrit sur ce point, dans son Esquisse autobiographique, les lignes suivantes si empreintes de tristesse : « Il était heureux que mon opéra fût terminé, car je me vis forcé de renoncer pour longtemps à l'exercice de tout ce qui était art ; je dus entreprendre au service de Schlesinger des arrangements pour tous les instruments du monde, même pour cornet à pistons ; à ce prix, je trouvai à ma situation un léger adoucissement. Je passai donc l'hiver de 1841 de la façon la moins glorieuse » (4).

A l'arrivée des beaux jours, décidé à reprendre un travail intellectuel, Wagner se retira à Meudon. Là, il ne tarda pas à apprendre que son esquisse du Hollandais volant avait été développée par le poète Paul Fouché. Craignant d'en être frustré, qui plus est, averti par ses infructueux essais qu'il lui serait désormais impossible d'écrire un opéra susceptible d'être représenté à Paris, il consentit à la céder à Pillet pour cinq cents francs. Le marché conclu, il traita son sujet en vers allemands et travailla sans désemparer. En sept semaines — temps incroyablement court — il composa, sauf l'ouverture, tout l'opéra du Hollandais volant et s'empressa d'en envoyer la partition à Meyerbeer. Arrivé à ses fins, il revint à Paris et se logea au numéro 14 de la rue Jacob, toujours poursuivi par la mauvaise fortune. Au loin, par bonheur, son Rienzi avait fini par trouver faveur à l'Opéra de Dresde, et le théâtre royal de Berlin avait promis de monter sa nouvelle œuvre. A cette heure, aucune raison ne militait pour un plus long séjour en France. Aussi ne songea-t-il qu'à amasser quelque peu d'argent et à retourner en Allemagne. Il se mit en route le 7 avril 1842. « Pour la première fois, dit-il lui-même, je vis le Rhin...; les yeux mouillés de claires larmes, je jurai, pauvre musicien, une fidélité éternelle à ma patrie allemande. » (5).

(1) Souvenirs p. 36.
(2) Id., p. 40.
(3) L'Œuvre et la Mission de ma Vie, p. 41.
(4) Souvenirs, pp. 43 et 44.
(5) Id., p. 47.

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