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LA MUSIQUE ET LES MUSICIENS - CHAPITRE II — Le matériel sonore - De l'instrumentation. Origines du violon. > CHAPITRE II — Le matériel sonore > De l'instrumentation. Origines du violon. L'origine du violon et des autres instruments de la famille dont il est le chef
doit être recherchée dans l'Inde. Du temps de Ravana, roi de Ceylan, qui vivait
environ 5000 ans avant l'ère chrétienne, fut inventé le Ravanastron, qui
paraît être le plus ancien type des instruments à archet. (On le retrouve encore
dans cet état primitif entre les mains de pauvres moines bouddhistes appartenant
à des ordres mendiants.) Cet instrument rudimentaire possédait déjà tous les
éléments constitutifs du violon : les cordes en intestins de gazelle, le
chevalet, la caisse sonore, le manche, les chevilles et l'archet, dont nous
suivrons plus loin le développement. Son premier perfectionnement fut l'omerti,
qui a fourni le modèle de la kemangh-a-gouz des Arabes el des Persans, puis de
leur rebab. Il n'est pas très difficile de découvrir comment, au moyen âge, le
rebab pénétra en Europe, où il donna naissance successivement aux instruments
qui figurent dans tous les musées : rubèbe, rebelle, rebec, rebecchino, dont
les noms seuls suffiraient, à défaut de documents historiques, pour établir la
filiation. Puis vint la grande époque de la lutherie italienne, qui a créé les
types définitifs que s'efforcent d'imiter les facteurs de nos jours; ses plus
illustres représentants sont, par ordre de date1 ;
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Date de la naissance. |
Période de fabrication. |
Date de la mort. |
Gasparo da Salo |
|
1560 1610 env. |
|
Jean-Paul Magini |
|
1590 1640 env. |
|
André Amati |
1520 |
|
1580 env. |
Jérôme Amati |
? |
|
1638 |
Antoine Amati |
1550 env. |
|
1635 |
Nicolas Amati |
1596 |
|
1684 |
Jérôme Amati |
1649 |
|
1672 |
André Guarnerius |
|
1650 1695 |
|
Joseph-Antoine Guarneriu |
|
1683 1745 |
|
François Ruggieri |
|
1610 1720 |
|
Pierre Guarnerius |
|
1690 1720 |
|
Vincent Ruggieri |
|
1700 1730 |
|
J.-B. Ruggieri |
|
1700 1725 |
|
Pierre-Jacques Ruggieri |
|
1700 1720 |
|
Pierre Guarnerius |
|
1725 1740 |
|
ANT. STRADIVARIUS |
1644 |
|
1737 |
Ch.Bergonzi |
|
1725 1750 |
|
Michel-Ange Bergonzi |
|
1725 1750 |
|
Laurent Guadagnini |
|
1695 1740 |
|
J.-B. Guadagnini |
|
1755 1785 |
|
Carlo Landolfi (Landolphus) |
|
1750 1750 |
|
Puis vint l'école tyrolienne, dérivée de la précédente :
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Date de la naissance. |
Période de fabrication. |
Date de la mort. |
Steiner |
1621 |
|
1683 |
Matthias Albani |
1621 |
|
1673 |
Matthias Albani fils |
|
1702 1709 |
|
Matthias Klotz |
|
1670 1696 |
|
Sébastien Klotz, et ses frères, etc. |
(Les noms les plus célèbres sont en italique.) Guarnerius, Stradivarius et
Steiner sont élèves de Nicolas Amati. Albani père est élève de
Steiner, ainsi que Klotz.
Plusieurs des élèves de Stradivarius répandirent en Europe les traditions de la
lutherie italienne; ce sont principalement :
Médard |
fabriqua de |
1680 à 1720 |
et s'établit |
en Lorraine. |
Decombre |
— |
1700 à 1735 |
— |
en Belgique. |
Fr. Lupot |
— |
1725 à 1750 |
— |
à Stuttgard. |
Jean Vuillaume |
— |
1700 à 1740 |
— |
à Mirecourt. |
Inutile de parler ici des luthiers contemporains, dont chacun connaît les
mérites.
L'archet primitif du ravanastron ressemblait à ceux qu'on rencontre encore chez
les Arabes et les Tunisiens, aussi bien qu'à celui dont se servent encore les
Chinois2, peuples peu progressifs, chez lesquels les traditions se perpétuent
indéfiniment.
Un simple bambou forme la baguette; au talon, ce bambou est percé d'un trou dans
lequel est introduite une
mèche de crins arrêtée par un nœud; à l'autre extrémité de la baguette, à la
pointe, est pratiquée une simple fente, dans laquelle vient se fixer, aussi par
un nœud, l'autre bout de la mèche; la baguette se trouve ainsi courbée en arc,
d'où son nom d'archet, petit arc.
Quoique perfectionné d'abord en Arabie, cet outil reste assez grossier
jusqu'au XIIe siècle, où, après avoir été arqué, il devient presque droit; puis
enfin il se cambre, se creuse et acquiert la forme que nous lui connaissons
aujourd'hui, qui est à peu près l'opposé de sa forme première.
Les principaux artistes qui ont contribué à cette curieuse transformation sont :
Corelli (né vers 1653), Vivaldi (né vers 1700), Tartini (né en 1692) et enfin
Tourte, un Français celui-là (né en 1747, mort en 1835), auquel il
appartenait de porter l'archet à sa plus haute perfection. Il en a fixé la longueur définitive
(0m,75 pour le violon, 0m,74 pour l'alto, 0m,72 pour le violoncelle) ; il a
constaté que le meilleur bois pour sa fabrication était le bois de Fernambouc,
jusqu'alors employé uniquement pour la teinture ; il a déterminé la courbure
précise qui lui donne ses qualités admirables de légèreté, d'équilibre, de
souplesse et d'énergie; enfin, il a imaginé le moyen de rendre la mèche plate,
au moyen d'une virole métallique, ce qui augmente considérablement le volume du
son et les qualités expressives de l'instrument.
D'autres veulent faire dériver le violon du crouth breton ou crwth, en passant
par la rote et la lyra; mais comme rien ne prouve que le crouth ne dérive pas
lui-même du ravanastron indien, cette opinion ne modifie en rien ce que nous
avons exposé sur l'origine de l'instrument-roi; son germe indien a pu être
transporté et se développer simultanément dans diverses civilisations, mais il
reste incontestable que c'est en Italie qu'il a atteint son épanouissement
définitif, et cela au XVIe siècle, époque à partir de laquelle il n'y a plus
rien été ajouté ou changé.
Méthodes : Baillot (l'Art du violon), Baillot, Rode et Kreutzer, Mazas, Jean
Comte, Bériot, Alard, Danbe, etc.
1. Je ne donne pas toutes ces dates comme rigoureusement exactes, mais comme
très approximatives et ayant fait l'objet de recherches sérieuses.
Celles des colonnes de droite et de gauche indiquent les années de la mort et de
la naissance.
Quand je n'ai pu me les procurer, j'ai indiqué, en italique, dans les colonnes du
milieu, la période de production de chaque artiste luthier.
2. J'ai eu l'occasion d'entendre le marquis de Tseng, alors qu'il était
ambassadeur de Chine à Paris, sur un ravanastron ou violon chinois qui
m'appartient (fig. 68). L'instrument a cela de particulier que l'archet reste
constamment engagé et comme entrelacé dans les deux cordes, qui sont accordées
en quinte, mais sur lesquelles il frotte alternativement, selon qu'on le porte
en avant ou en arrière. Saint-Saëns l'a entendu à satiété en Chine, a même
essayé d'en jouer, sans succès, et lui trouve un charme
« essentiellement chinois », mais auquel on s'habitue. « C'est parfois atroce, ce n'est pas
discordant, » m'a-t-il écrit à ce sujet.
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