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LA MUSIQUE ET LES MUSICIENS - CHAPITRE II — Le matériel sonore - De l'instrumentation - Grand orgue - Jeux accessoires > CHAPITRE II — Le matériel sonore > De l'instrumentation - Grand orgue - Jeux accessoires On remarquera, à la fin de ce tableau, une catégorie de jeux dont je n'ai pas
encore parlé : les jeux de mutation.
Trop en honneur jadis, peut-être trop décriés par quelques-uns aujourd'hui, ces
jeux, dont le principe peut paraître barbare au premier abord, n'en constituent
pas moins une des applications les plus judicieuses de nos connaissances sur la
constitution du son musical. Leurs tuyaux sont accordés de façon à faire
entendre, non le son écrit, la note jouée, mais seulement un ou plusieurs de ses
harmoniques; ainsi le jeu de nasard ou quinte, quand on joue un do, fait
entendre un sol ; le cornet donne, avec trois rangs de tuyaux, l'accord parfait
do, mi, sol, une octave au-dessus; le plein-jeu ou la fourniture contiennent la
presque totalité des sons partiels. Pourquoi, dira-t-on, cette cacophonie ?
Pour le comprendre, il faut se souvenir qu'un son, pour avoir un caractère
musical satisfaisant, doit être accompagné d'un certain nombre de sons partiels
ou concomitants1; sans cela il nous apparaît comme faible, indéterminé,
manquant
de timbre. Or, c'est le cas de plusieurs jeux de fonds, des bourdons notamment;
ils produisent un son par trop pur pour nous plaire, trop dénué d'harmoniques,
que nous trouvons fade et incolore; mais si on leur adjoint artificiellement, au
moyen d'un jeu de mutation bien approprié, les sons partiels qui leur font
défaut, notre oreille n'a nullement conscience du subterfuge, et éprouve
simplement l'impression d'un son fondamental suffisamment riche et bien timbré. C'est là l'utilité des jeux de mutation, dont
on a abusé, mais qui, bien employés, sont d'un usage parfaitement musical et
plein de logique.
D'autres jeux sont construits sur un principe autrement surprenant : dans la
voix humaine, la voix céleste, par exempte, chaque touche commande à deux tuyaux
légèrement discordés, c'est-à-dire accordés de telle façon que l'un d'eux est un
peu trop haut, l'autre un peu trop bas, d'une très faible quantité à vrai dire.
Assurément c'est faux, mais si peu qu'on ne s'en aperçoit que lorsqu'on le sait;
et la sonorité chatoyante et ondulante qui résulte de cette singulière
disposition possède un charme troublant tout particulier, une sorte de
vacillement et de balancement du son.
Il est bon pourtant de n'en faire qu'un usage modéré et motivé. L'abus
fatiguerait vite l'oreille. De même, on évite généralement de mélanger ces jeux
avec les autres, ce qui paraîtrait alors tout à fait faux.
L'unda maris aussi est un jeu discordé.
Tous les tuyaux appartenant à un même jeu, de quelque genre qu'il soit, sont
chromatiquement échelonnés, par rang de taille, et plantés sur une caisse en
bois, hermétique, qu'on appelle sommier. Dans les sommiers s'accumule et se
comprime l'air envoyé par la soufflerie, qui ne peut trouver d'issue que par
lesdits tuyaux; mais, à l'état de repos, ces tuyaux mêmes lui sont fermés par un
double mécanisme: les registres et les soupapes, dont nous allons expliquer le
fonctionnement.
1. Voir
Complexité des vibrations
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