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LA MUSIQUE ET LES MUSICIENS - CHAPITRE III - Grammaire de la musique - Exposé du système harmonique. Retards ou suspension. > CHAPITRE III - Grammaire de la musique > Exposé du système harmonique. Retards ou suspension. Une ou plusieurs de ses notes constitutives peuvent être retardées, n'être
émises qu'après les autres ; c'est ce qu'on appelle le retard. Tout
retard doit être préparé et se résoudre par mouvement conjoint, ton ou demi-ton
diatonique; Le retard peut être supérieur ou inférieur, supérieur, il se résout
en descendant; inférieur, en montant. Le retard supérieur est de beaucoup le
plus usité et le plus classique.
La logique la plus élémentaire fait concevoir que les notes dissonantes,
astreintes elles-mêmes à la préparation, comme la septième des accords par
prolongation, ne sauraient en aucun cas être retardées, car elles ne peuvent
être à la fois en retard et en avance. C'est donc, le plus souvent, quelle que
soit la nature de l'accord, à une note formant consonance avec la fondamentale
que le retard peut être appliqué.
Le caractère dominant de cet artifice, c'est l'ampleur, la majesté ; ce
caractère se dessine d'autant mieux que le mouvement est lui-même déjà large et
tranquille ; mais il s'adapte à toutes les allures, en leur communiquant un
certain degré de sévérité, presque de raideur, qui était plus recherché
autrefois que de nos jours, ce qui lui donne, dans les œuvres ayant une teinte
générale moderne, un air archaïque.
Je ne puis songer à énumérer ici tous les retards, ce qui serait d'ailleurs
complètement inutile. Ce qu'il importe, c'est d'en faire saisir l'essence, le
principe, et surtout d'éviter toute confusion entre le retard et la
prolongation, qui, au premier abord, semblent avoir quelque ressemblance,
l'un et l'autre étant préparés et résolus. Le moindre examen fait voir en quoi
ils différent essentiellement.
La prolongation vient créer un accord nouveau, dont elle est même l'élément
caractéristique, la septième, et qui a sa personnalité, son existence
propre; au contraire, le retard n'est qu'une note étrangère à l'accord, qui
demande à être préparée parce qu'elle y forme généralement dissonance, et qui
doit disparaître dans un bref délai, pour faire place à la note véritable, dont
elle ne fait que suspendre momentanément la marche ; aussi l'appelle-t-on
souvent suspension.
Je ne voudrais pas tomber dans la même naïveté que l'auteur d'un dictionnaire
de musique que j'ai chez moi, et où on lit, textuellement, ces deux articles :
« Violon, petit violoncelle. (Voyez Violoncelle.)
« Violoncelle, grand violon. (Voyez Violon.) »
Mais, tout en me réservant de dire plus tard que l'appogiature n'est qu'un retard
sans préparation, je ne puis trouver, de retard
lui-même, une définition meilleure que celle-ci : Le retard est une appogiature préparée. Ces deux choses s'expliquent l'une par l'autre.
De fait, il se passe un peu de nos jours, à l'égard des retards, ce qui s'est
passé lorsque, il y a trois cents ans, Monteverdi a affranchi certains accords
de septième de la formalité de préparation. On en vient de plus en plus à
attaquer les dissonances directement, et alors elles s'appellent appogiatures.
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