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Accueil de la bibliothèque > Mémoires de Hector Berlioz MÉMOIRES DE HECTOR BERLIOZ - VOYAGE EN DAUPHINÉ. Deuxième pèlerinage à Meylan. — Vingt-quatre heures à Lyon. — Je revois M<sup>me</sup> F****** — Convulsions de cœur. (12/13) > VOYAGE EN DAUPHINÉ. Deuxième pèlerinage à Meylan. — Vingt-quatre heures à Lyon. — Je revois Mme F****** — Convulsions de cœur. (12/13)

» Il me semble que vous êtes triste, et cela me cause un redoublement de......

» Mais je commence dès aujourd’hui à m’interdire un certain langage. Je vais vous parler de choses indifférentes.

» Vous savez peut-être déjà que l’exécution de mon acte des Troyens n’a pas eu lieu hier au Conservatoire. Le comité, en me tourmentant de plusieurs manières, en me demandant la suppression tantôt d’un morceau, tantôt d’un autre, m’a poussé à bout, ainsi que les chanteurs à qui l’on ôtait l’occasion de briller, et j’ai tout retiré.

» Je vous remercie d’avoir bien voulu à deux heures et demie, vous transporter en pensée dans la salle des concerts et faire des vœux pour les Troyens.

» Dans le moment même où l’on me tracassait ainsi à Paris, on fêtait mon jour de naissance (11 décembre), à Vienne, où l’on exécutait une partie de mon ouvrage la Damnation de Faust; et deux heures après, le maître de chapelle m’envoyait une dépêche télégraphique ainsi conçue : Mille choses pour votre fête. Chœur des soldats et des étudiants, exécuté au concert de Mannergesang Verein. Applaudissements immenses. Répété.

» La cordialité de ces artistes allemands m’a bien plus touché que mon succès. Et je suis sûr que vous le comprenez. La bonté, vertu cardinale!

» Le surlendemain, un inconnu de Paris, m’écrivait une fort belle lettre sur ma partition des Troyens, qu’il qualifie d’une façon que je n’ose vous redire.

» Mon fils vient d’arriver à Saint-Nazaire, de retour d’un pénible voyage au Mexique, où il a eu l’occasion de se distinguer. Le voilà deuxième capitaine du grand navire la Louisiane. Il m’apprend qu’il repartira prochainement, qu’il lui est impossible de venir à Paris. J’irai en conséquence l’embrasser à Saint-Nazaire. C’est un brave garçon, qui a le malheur de me ressembler en tout, et ne peut prendre son parti des platitudes et des horreurs de ce monde. Nous nous aimons comme deux jumeaux.

» Voilà pour le moment toutes les nouvelles de mon extérieur. Ma vieille belle-mère (que j’ai promis de ne jamais abandonner) est aux petits soins pour moi et ne me questionne jamais sur la cause de mes accès d’humeur sombre. Je lis, ou plutôt je relis Shakespeare, Virgile, Homère, Paul et Virginie, des relations de voyages; je m’ennuie, je souffre horriblement d’une névralgie qui me tient depuis neuf ans et contre laquelle tous les médecins ont perdu leur latin. Le soir quand les douleurs de cœur, de corps et d’esprit sont trop fortes, je prends trois gouttes de laudanum et je m’endors tant bien que mal. Si je suis moins malade et s’il me faut seulement la société de quelques amis, je vais dans une famille de mon voisinage, celle de M. Damcke, compositeur allemand d’un rare mérite, professeur savant, dont la femme est d’une bonté d’ange; deux cœurs d’or. Selon l’humeur où l’on me voit, on fait de la musique, on cause; ou bien on roule auprès du feu un grand canapé où je reste étendu toute la soirée sans parler, ruminant mes pensées amères... Voilà tout, madame. Je n’écris plus, je crois vous l’avoir dit, je ne compose plus. Le monde musical de Paris et de bien d’autres lieux, la façon dont les arts sont cultivés, dont les artistes sont protégés, dont les chefs-d’œuvre sont honorés, me donnent des nausées ou des accès de fureur. Cela semblerait prouver que je ne suis pas mort encore...

» J’espère avoir après-demain l’honneur d’accompagner au Théâtre Italien, Mme Charles F****** (si charmante... malgré ses coups de couteau) et une dame russe de ses amies. Il s’agit d’assister, jusqu’au bout si l’on peut, à la deuxième représentation du Poliuto de Donizetti. Mme Charton (Paolina) me donnera une loge.

» Adieu, madame, puissiez-vous n’avoir que de douces pensées, le repos de l’âme, et goûter le bonheur qui devrait vous donner la certitude d’être aimée de vos fils et de vos amis. Mais songez quelquefois aussi aux pauvres enfants qui ne sont pas raisonnables.

» Votre dévoué,

» HECTOR BERLIOZ. »

P.-S. — « Vous avez été bien généreuse d’engager les nouveaux mariés à me venir voir. J’ai été frappé de la ressemblance de M. Charles F****** avec Mlle Estelle, et je me suis oublié jusqu’à le lui dire, quoiqu’il soit peu convenable d’adresser à un homme de pareils compliments. »

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