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MÉMOIRES DE HECTOR BERLIOZ - POST-SCRIPTUM. Lettre adressée avec le manuscrit de mes mémoires à M. *** qui me demandait des notes pour écrire ma biographie. (5/5) > POST-SCRIPTUM. Lettre adressée avec le manuscrit de mes mémoires à M. *** qui me demandait des notes pour écrire ma biographie. (5/5) On m’accorde sans contestations, en France comme
ailleurs, la maestria dans l’art de l’instrumentation,
surtout depuis que j’ai publié sur cette matière un traité didactique . Mais on
me reproche d’abuser des instruments de Sax (sans doute parce que j’ai souvent
loué le talent
de cet habile facteur). Or, je ne les ai employés jusqu’ici que dans une scène
de la Prise de Troie, opéra dont personne encore ne connaît une page. On
me reproche aussi l’excès du bruit, l’amour de la grosse caisse, que j’ai fait
entendre seulement dans un petit nombre de morceaux où son emploi est motivé,
et, seul parmi les critiques, je m’obstine à protester, depuis vingt ans, contre
l’abus révoltant du bruit, contre l’usage insensé de la grosse caisse, des
trombones, etc., dans les petits théâtres, dans les petits orchestres, dans les
petits opéras, dans les chansonnettes, où l’on se sert maintenant même du
tambour.
Rossini, dans le Siège de Corinthe, fut le
véritable introducteur en France de l’instrumentation fracassante, et les
critiques français s’abstiennent, à ce sujet, de parler de lui, de reprocher
l’odieuse exagération de son système à Auber, à Halévy, à Adam, à vingt autres,
pour me la reprocher à moi, bien plus, pour la reprocher à Weber! (Voyez la
Vie de Weber dans la Biographie universelle de Michaut) à Weber
qui n’employa qu’une fois la grosse caisse de son orchestre, et usa de tous
les instruments avec une réserve et un talent incomparables!
En ce qui me concerne, je crois cette erreur comique
causée par les
festivals où l’on m’a vu souvent diriger des orchestres immenses. Aussi le
prince de
Metternich me dit-il, un jour à Vienne :
« — C’est vous, monsieur, qui composez de la musique
pour cinq cents musiciens ? »
Ce à quoi je répondis :
« — Pas toujours, monseigneur, j’en fais quelquefois
pour quatre cent cinquante. »
Mais qu’importe ?... mes partitions sont aujourd’hui
publiées; il est facile de vérifier l’exactitude de mes assertions. Et quand on
ne la vérifierait pas, qu’importe encore!...
Recevez, Monsieur, l’assurance de mes sentiments
distingués.
HECTOR BERLIOZ.
Paris, 25 mai 1858
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