Accueil Nous sommes le lundi 29 avril 2024 
Rechercher sur metronimo.com avec
Google
Logiciels de Métronimo

Logiciels ludiques pour apprendre la musique. Cliquez ici pour jouer.

English Français Español

Accueil de la bibliothèque > Mémoires de Hector Berlioz MÉMOIRES DE HECTOR BERLIOZ - A Henri Heine, sixième lettre, Brunswick, Hambourg. (3/6) > A Henri Heine, sixième lettre, Brunswick, Hambourg. (3/6)

« Nous travaillerons tant, m'avait-il dit, que nous en viendrons à bout! » Il ne présumait pas trop, en effet, de la force de l'orchestre, et la reine Mab, dans son char microscopique, conduite par l'insecte bourdonnant des nuits d'été et lancée au triple galop de ses chevaux atomes, a pu montrer au public de Brunswick sa vive espièglerie et les mille caprices de ses évolutions. Mais vous comprendrez mon inquiétude à son sujet, vous, le poète des fées et des willis; vous, le frère naturel de ces gracieuses et malicieuses petites créatures ; vous savez trop de quel fil délié est tissue la gaze de leur voile, et de quelle sérénité le ciel doit être pour que leur essaim diapré puisse se jouer librement dans le pâle rayon de l'astre des nuits. Eh bien! malgré nos craintes, l'orchestre, s'identifiant complètement avec la ravissante fantaisie de Shakespeare, s'est fait si petit, si agile, si fin et si doux, que jamais, je crois, la reine imperceptible n'a couru plus heureuse parmi de plus silencieuses harmonies.

Dans le finale d'Harold, au contraire, dans cette furibonde orgie où concertent ensemble les ivresses du vin, du sang, de la joie et de la rage, où le rythme paraît tantôt trébucher, tantôt courir avec furie, où des bouches de cuivre semblent vomir des imprécations et répondre par le blasphème à des voix suppliantes, où l'on rit, boit, frappe, brise, tue et viole, où l'on s'amuse enfin ; dans cette scène de brigands, l'orchestre était devenu un véritable pandœmonium; il y avait quelque chose de surnaturel et d'effrayant dans la frénésie de sa verve; tout chantait, bondissait, rugissait avec un ordre et un accord diaboliques, violons, basses, trombones, timbales et cymbales ; pendant que l'alto solo, le rêveur Harold, fuyant épouvanté, faisait encore entendre au loin quelques notes tremblantes de son hymne du soir. Ah! quel roulement de cœur! quels frémissements sauvages en conduisant alors cet étonnant orchestre, où je croyais trouver plus ardents que jamais tous mes jeunes lions de Paris!!! Vous ne connaissez rien de pareil, vous autres, poètes, vous n'êtes jamais emportés par de tels ouragans de vie ! J'aurais voulu embrasser toute la chapelle à la fois, et je ne pouvais que m'écrier, en français il est vrai, mais l'accent devait me faire comprendre: « Sublimes! je vous remercie, messieurs, et je vous admire : Vous êtes des brigands parfaits ! »

Les mêmes qualités violentes se firent remarquer dans l'exécution de l'ouverture de Benvenuto et pourtant, dans le style opposé, l'introduction d'Harold, la Marche des pèlerins et la Sérénade ne furent jamais rendues avec plus de grandeur calme et de religieuse sérénité. Pour le morceau de Roméo (la Fête chez Capulet) il rentre un peu par son caractère dans le genre tourbillonnant; il fut donc aussi, selon notre expression parisienne, véritablement enlevé.

Il fallait voir dans les haltes des répétitions, l'aspect enflammé de tous ces visages... L'un des musiciens, Schmidt (la foudroyante contre-basse), s'était arraché la peau de l'index de la main droite au commencement du passage pizzicato de l'orgie ; mais sans songer à s'arrêter pour si peu et malgré le sang qu'il répandait, il avait continué en se contentant de changer de doigt. C'est ce qui s'appelle en termes militaires ne pas bouder au feu.

Pendant que nous nous livrions à ces délassements, le chœur, de son côté, étudiait à grand'peine aussi, mais avec des résultats différents, les fragments de mon Requiem. L'Offertoire et le Quærens me avaient fini par marcher : pour le Sanctus, dont le solo devait être chanté par Schmetzer, le premier ténor du théâtre, excellent musicien, il y avait un obstacle insurmontable. L'andante de ce morceau, écrit à trois voix de femmes, présente quelques modulations enharmoniques que les choristes de Dresde avaient fort bien comprises, mais qui dépassent, à ce qu'il paraît, l'intelligence musicale de celles de Brunswick. En conséquence, après avoir inutilement essayé pendant trois jours d'en saisir le sens et les intonations, ces pauvres désespérées m'envoyèrent une députation pour me conjurer de ne pas les exposer à un affront en public et obtenir que le terrible Sanctus fût rayé de l'affiche. Je dus y consentir, mais avec regret, surtout à cause de Schmetzer, dont le ténor très-haut convient parfaitement à cet hymne séraphique, et qui se faisait en outre un plaisir de le chanter.

<< Précédent

Suite >>

Rechercher dans cet ouvrage :

Imprimer cette page

Livres sur la musique à prix cassé

Livres sur Jean-Jacques Goldman à prix cassé Livres sur Jean-Jacques Goldman à prix cassé
Livres sur Michael Jackson à prix cassé Livres sur Maria Callas à prix cassé

Imprimez vos photos différemment
Puzzles en bois

Copyright © metronimo.com - 1999-2024 - Tous droits réservés - Déclaration CNIL 1025871