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Accueil de la bibliothèque > Mémoires de Hector Berlioz MÉMOIRES DE HECTOR BERLIOZ - A M. Humbert Ferrand. Deuxième lettre. Vienne. (4/5) > A M. Humbert Ferrand. Deuxième lettre. Vienne. (4/5)

La chapelle impériale, formée d’instrumentistes et de chanteurs choisis parmi les meilleurs de Vienne, est nécessairement excellente. Elle possède quelques enfants de chœur doués de fort jolies voix. Son orchestre est peu nombreux mais exquis; la plupart des solos sont confiés à Staudigl. En somme, cette chapelle m’a rappelé celle des Tuileries en 1828 et 1829, époques de sa plus grande splendeur. J’y ai entendu une messe composée de fragments de divers maîtres, tels que Assmayer, Joseph Haydn et son frère Michel. On faisait aussi quelquefois à Paris de ces pots-pourris pour le service de la chapelle royale, mais rarement cependant : je pense qu’il en doit être de même à Vienne, et que le hasard (malgré la beauté remarquable des fragments que j’ai entendus) m’a mal servi. L’empereur avait alors, si je ne me trompe, trois maîtres de chapelle, les savants contre-pointistes Eybler et Assmayer, et Weigl, qui mourut peu de jours avant mon départ de Vienne. Ce dernier nous est connu en France par son opéra la Famille Suisse, qui fut représenté à Paris en 1828. Cet ouvrage eut peu de succès; il parut aux musiciens fade et incolore, et les mauvais plaisants prétendirent que c’était une pastorale écrite avec du lait.

Une chose m’a frappé et péniblement affecté à Vienne, c’est l’ignorance incroyable où l’on est généralement des œuvres de Gluck. À combien de musiciens et d’amateurs n’ai-je pas demandé s’ils connaissaient Alceste, ou Armide, ou Iphigénie, toujours la réponse a été la même : « On ne représente jamais à Vienne ces ouvrages, nous ne les connaissons pas. » Mais malheureux! qu’on les représente ou non, vous devriez les savoir par cœur! Il est bien clair que des entrepreneurs comme MM. Balochino et Pockorny, moins soucieux de belles partitions que de grosses recettes, n’imiteront pas le roi de Prusse, et ne se donneront pas le luxe de faire représenter des chefs-d’œuvre anciens, quand ils peuvent offrir au public des produits nouveaux, tels qu’Alessandro Stradella ou Indra.

On citait même comme un des événements remarquables de la saison, la découverte qu’on venait de faire de la tombe de Gluck! La découverte! concevez-vous cela ? Elle était donc inconnue ?... Parfaitement. O Viennois de mon âme, vous êtes dignes d’habiter Paris! Ce fait pourtant n’a rien en soi de bien étrange, si l’on songe qu’à cette heure on ignore absolument où reposent les restes de Mozart!

J’ai dit quelques mots dans ma première lettre qui ne doivent pas vous avoir donné une idée bien brillante du Conservatoire de Vienne. Malgré tout le mérite de son directeur M. Preyer, et le talent bien apprécié de M. Joseph Fischhoff, de M. Bœhm et de quelques autres excellents professeurs, le Conservatoire ne répond pas, par l’importance et le nombre de ses classes, à ce qu’on s’attend à trouver dans une capitale musicale telle que Vienne. Il paraît même qu’il fut, il y a quelques années, dans un état de délabrement tel que sans l’extrême énergie, l’intelligence et le dévouement du docteur J. Bacher, qui prit en main sa défense et parvint à le remettre sur pied, il n’existerait plus. Le docteur Bacher n’est point un artiste; c’est un de ces amis de la musique comme on en trouve deux ou trois en Europe, qui entreprennent et mènent à bien quelquefois les plus rudes tâches, mus par le seul amour de l’art; qui par la pureté de leur goût, acquièrent sur l’opinion une autorité réelle, et en viennent même souvent à accomplir par leurs propres forces ce que des souverains devraient faire et ce qu’ils ne font pas. Actif, persévérant, volontaire et généreux au-delà de toute expression, le docteur Bacher est à Vienne le plus ferme soutien de la musique et la providence des musiciens.

C’est dans la salle du Conservatoire, petite, mais excellente, qu’ont lieu les concerts philharmoniques, sous l’habile direction de M. le baron de Lannoye, et les réunions de l’académie de chant d’hommes, précieuse institution dirigée par M. Barthe avec autant d’intelligence que de zèle. J’ai entendu là, cinq ou six fois au moins, et avec un plaisir toujours nouveau, l’étonnant pianiste Dreyschock; talent jeune, frais, brillant, énergique, d’une habileté technique immense, dont le sentiment musical est des plus élevés, et qui a introduit dans sa musique de piano une foule de combinaisons nouvelles d’un effet charmant.

Je demande pardon à tant d’artistes remarquables du laconisme avec lequel je me vois contraint de parler d’eux. L’espace me manque; il faudrait écrire un livre pour rendre pleine justice à chacun et énumérer en détail toutes les richesses musicales de Vienne.

Et pourtant je n’ai rien dit encore de quelques-uns de ses plus éminents esprits de ceux que la nature de leur talent porte surtout vers les compositions dites di camera, telles que les quatuors et les lieder avec piano. De ce nombre sont M. Becher, âme rêveuse et concentrée, dont l’audace harmonique dépasse tout ce qu’on a tenté jusqu’à présent, qui cherche à agrandir la forme du quatuor et à lui donner des allures nouvelles. M. Becher est d’ailleurs un écrivain fort distingué, et sa critique est en grande estime parmi les maîtres de la presse viennoise1.

1. Malheureux Becher! j’apprends qu’il s’est follement jeté dans la fournaise de la dernière insurrection de Vienne, qu’il a été pris, jugé, condamné et fusillé!...

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