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Accueil de la bibliothèque > Mémoires de Hector Berlioz MÉMOIRES DE HECTOR BERLIOZ - A M. G. Osborne, dixième lettre, Hanovre, Darmastadt (5/6) > A M. G. Osborne, dixième lettre, Hanovre, Darmastadt (5/6)

Continuons. Je rentre pour la quatrième fois à Francfort. J’y retrouve Parish-Alvars, qui me magnétise en me jouant sa fantaisie en sons harmoniques sur le chœur des Naïades d’Obéron. Décidément cet homme est sorcier : sa harpe est une sirène au beau col incliné, aux longs cheveux épars, qui exhale des sons fascinateurs d’un autre monde, sous l’étreinte passionnée de ses bras puissants. Voilà Guhr, fort empêché par les ouvriers qui restaurent son théâtre. Ah! ma foi, pardonnez-moi de vous quitter, Osborne, pour dire quelques mots à ce tant redouté capell-meister, dont le nom vient encore se présenter sous ma plume, je reviens à vous à l’instant.  

« Mon cher Guhr,

» Savez-vous bien que plusieurs personnes m’avaient fait concevoir la crainte de vous voir mal accueillir les drôleries que je me suis permises à votre sujet, en racontant notre première entrevue! J’en doutais fort, connaissant votre esprit, et cependant ce doute me chagrinait. Bravo! J’apprends que loin d’être fâché des dissonances que j’ai prêtées à l’harmonie de votre conversation vous en avez ri le premier, et que vous avez fait imprimer dans un des journaux de Francfort la traduction allemande de la lettre qui les contenait. À la bonne heure! vous comprenez la plaisanterie, et d’ailleurs on n’est pas perdu pour jurer un peu. Vivat! terque quaterque vivat! S. N. T. T. Tenez-moi bien réellement pour un de vos meilleurs amis; et recevez mille nouveaux compliments sur votre chapelle de Francfort, elle est digne d’être dirigée par un artiste tel que vous.

» Adieu, adieu. S. N. T. T. »

Me voilà! 

Ah ça! voyons; c’est donc de Darmstadt qu’il s’agit. Nous allons y trouver quelques amis, entre autres L. Schlosser, le concert-meister qui fut mon condisciple autrefois chez Lesueur, pendant son séjour à Paris. J’emportais d’ailleurs des lettres de M. de Rothschild, de Francfort, pour le prince Émile qui me fit le plus charmant accueil, et obtint du grand-duc, pour mon concert, plus que je n’avais osé espérer. Dans la plupart des villes d’Allemagne où je m’étais fait entendre jusqu’alors, l’arrangement pris avec les intendants des théâtres avait été à peu près toujours le même; l’administration supportait presque tous les frais, et je recevais la moitié de la recette brute. (Le théâtre de Weimar seul avait eu la courtoisie de me laisser la recette entière. Je l’ai déjà dit : Weimar est une ville artiste et la famille ducale sait honorer les arts.)

Eh bien! à Darmstadt, le grand-duc m’accorda non-seulement la même faveur, mais voulut encore m’exempter de toute espèce de frais. À coup sûr, ce généreux souverain n’a pas de neveux qui écrivent aussi des, etc., etc.

Le concert fut promptement organisé, et l’orchestre loin de se faire prier pour répéter, aurait voulu qu’il me fût possible de consacrer aux études une semaine de plus. Nous fîmes cinq répétitions. Tout marcha bien, à l’exception cependant du double chœur des jeunes Capulets sortant de la fête au début de la scène d’amour dans Roméo et Juliette. L’exécution de ce morceau fut une véritable déroute vocale; les ténors du second chœur baissèrent de près d’un demi-ton, et ceux du premier manquèrent leur entrée au retour du thème. Le maître de chant était dans une fureur d’autant plus facile à concevoir, que, pendant huit jours il s’était donné, pour instruire les choristes, une peine infinie.

L’orchestre de Darmstadt est un peu plus nombreux que celui de Hanovre : il possède exceptionnellement un excellent ophicléide. La partie de harpe est confiée à un peintre, qui, malgré tous ses efforts et sa bonne volonté, n’est jamais sûr de donner beaucoup de couleur à son exécution. Le reste de la masse instrumentale est bien composé et animé du meilleur esprit. On y trouve un virtuose remarquable. Il se nomme Müller, mais n’appartient point cependant à la célèbre famille des Müller de Brunswick. Sa taille presque colossale lui permet de jouer de la vraie contre-basse à quatre cordes avec une aisance extraordinaire. Sans chercher, comme il le pourrait, à exécuter des traits ni des arpèges d’une difficulté inutile et d’un effet grotesque, il chante gravement et noblement sur cet instrument énorme, et sait en tirer des sons d’une grande beauté, qu’il nuance avec beaucoup d’art et de sentiment. Je lui ai entendu chanter un fort bel adagio composé par Mangold jeune, frère du capell-meister, de manière à émouvoir profondément un sévère auditoire. C’était dans une soirée donnée par M. le docteur Huth, le premier amateur de musique de Darmstadt, qui, dans sa sphère, fait pour l’art ce que M. Alsager sait faire à Londres dans la sienne, et dont l’influence est grande, par conséquent, sur l’esprit musical du public. Müller est une conquête qui doit tenter bien des compositeurs et des chefs d’orchestre; mais le grand-duc la leur disputera de toutes ses forces, très-certainement.

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