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LA MUSIQUE ET LES MUSICIENS - CHAPITRE II — Le matériel sonore - De l'instrumentation. Harpe. > CHAPITRE II — Le matériel sonore > De l'instrumentation. Harpe. FAMILLE DES INSTRUMENTS A CORDES PINCÉES
Harpe.
Ainsi qu'on peut le constater par de nombreux bas-reliefs antiques, l'idée
primitive de la harpe remonte au moins aux anciens Égyptiens, c'est-à-dire à
plus de six mille ans! Ils en avaient depuis 4 cordes jusqu'à 11 ou 12, et dans
quelques-unes on voit déjà apparaître la forme élégante qui caractérise ce
gracieux instrument. On le retrouve ensuite chez les Hébreux, puis dans toutes
les grandes civilisations, toujours gagnant en étendue, mais sans aucun
mécanisme. Or, c'est justement l'adaptation d'un mécanisme des plus ingénieux et
sans analogue dans aucun instrument, mécanisme dont l'ébauche appartient à
Naderman (1773-1835), mais qui doit ses derniers perfectionnements au célèbre
facteur Sébastien Érard, qui a donné droit de cité à la harpe dans l'orchestre
moderne, où, employée à propos et avec discrétion, elle produit des effets
tantôt séraphiques, tantôt pompeux, toujours empreints de la plus grande
suavité.
Voici en quoi consiste le principe, très curieux, de la harpe d'Érard, dite
« à
double mouvement », et la seule employée de nos jours :
Ses quarante-six cordes sont accordées de façon à faire entendre la gamme
diatonique d'ut bémol majeur.
Sept pédales entourent sa base et peuvent être abaissées et fixées chacune à
deux crans différents. Si l'on fixe l'une d'elles à son premier cran, toutes les
cordes fa b sont simultanément raccourcies de la longueur correspondant à un
demi-ton, le fa devient naturel, et on a la gamme de sol bémol majeur; une
deuxième pédale agit de même sur tous les do b, qui deviennent des do bécarres,
ce qui produit le ton de ré bémol majeur; et ainsi de suite, en abaissant chaque
pédale à son premier cran, on obtient les gammes de la bémol, mi bémol, si
bémol, fa et ut majeurs. Dans ce dernier ton, toutes les pédales sont donc
accrochées au milieu de leur course.
Si, revenant à la première pédale, celle du fa, on l'abaisse maintenant à fond
en la fixant dans son deuxième cran d'arrêt, les cordes fa sont encore
raccourcies, deviennent des fa dièses, d'où résulte la gamme de sol majeur; et
en continuant ainsi à l'égard des six autres pédales, on obtient chaque fois une
gamme majeure nouvelle, si bien que lorsque les sept pédales sont complètement
abaissées et fixées à leur cran inférieur, l'instrument, qui était primitivement
en ut bémol, se trouve en ut dièse majeur.
On voit combien ce mécanisme diffère de celui de tout autre instrument. Voyons
maintenant ce qu'il en résulte pour la façon d'écrire la musique destinée à la
harpe.
D'abord, que le genre chromatique est celui qui lui convient le moins, et que la
gamme chromatique lui est complètement interdite, sauf dans des mouvements
d'une
extrême lenteur, puisque chaque note chromatique exigerait le mouvement d'une
pédale; encore serait-elle d'un mauvais effet.
Ensuite, que la gamme mineure offre, bien qu'à un degré moindre, une difficulté
analogue, en raison de la variabilité du 6e et du 7e degré, qui la fait
participer du genre chromatique.
Enfin, que les modulations rapides, surtout entre tons éloignés, sont
dangereuses et risquées, puisqu'elles ne peuvent être obtenues qu'en modifiant
la disposition des pédales, ce qui demande un certain temps, chaque pied n'en
pouvant faire mouvoir qu'une seule à la fois.
Les tons les plus sonores sur la harpe sont ceux qui contiennent le plus de
bémols, parce qu'ils utilisent les cordes dans leur plus grande longueur. Les
tons majeurs sont les plus commodes, puisque l'instrument lui-même est accordé
en majeur.
Les accords plaqués, arpégés ou brisés, les gammes et traits diatoniques, en
octaves, tierces ou sixtes, sont les formules les plus familières à la harpe.
Le faible écartement des cordes permet à la main d'embrasser l'intervalle de
dixième aussi facilement que sur le piano l'octave ; mais dans les accords il ne
faut demander que quatre notes à chaque main, la plupart des harpistes ne se
servant pas du cinquième doigt.
Le trille et les notes répétées ne sont pas d'un effet très heureux.
Tout comme les instruments à archet, la harpe possède des sons harmoniques ; en
effleurant la corde au point milieu, avec le côté extérieur de la main, ce qui
laisse les doigts libres pour pincer, on obtient le son partiel 2 (octave de la
fondamentale), qui est d'une suavité ravissante, surtout dans le médium de
l'instrument; la main
droite ne peut attaquer qu'un seul harmonique à la fois, la main gauche deux,
et dans un mouvement modéré; ils
ont peu de force et ne peuvent être utilisés que du pp au p. Leur notation est
très simple : on écrit le son voulu une octave plus bas, et on le surmonte d'un
0.
Notation : Effet produit
En tenant compté des particularités qu'on vient de voir, et bien que ces deux
instruments procèdent d'un principe totalement différent, on peut considérer que
la musique de harpe s'écrit à peu près comme celle de piano ; les mêmes clefs et
le même système dé notation sont en usage, mais les procédés d'exécution sont
tout autres.
Méthodes : Labarre, Nadermann, Prumier, Bochsa.
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