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LA MUSIQUE ET LES MUSICIENS - CHAPITRE II — Le matériel sonore - De l'instrumentation. Cor. > CHAPITRE II — Le matériel sonore > De l'instrumentation. Cor. FAMILLE DES CUIVRES
Cor.
Le
cor simple ou cor d'harmonie consiste en un tube enroulé sur
lui-même, relativement étroit près de l'embouchure et s'élargissant
graduellement jusqu'au pavillon ; c'est donc un tuyau conique. Il n'est percé
d'aucun trou, et la colonne d'air qu'il renferme vibre constamment dans toute
son étendue. Il n'a pas d'anche, mais une simple embouchure, et ce sont les
lèvres de l'exécutant qui font l'office d'anche. C'est donc, comme principe
acoustique, et selon les apparences, le plus simple des instruments, mais il
n'est pas pour cela le plus facile à manier.
Selon la longueur du développement de son tube, un cor est en ut, en
ré, en mi b, etc., ce qui signifie que sa note fondamentale, celle
que fournirait le tube vibrant dans son entier sans subdivision, est un ut,
un ré, ou un mi b, etc.
Par une légère modification dans la pression des lèvres sur l'embouchure,
l'artiste arrive à déterminer la colonne d'air à se diviser en 2, 3, 4... 15 ou
16 segments vibrants, et à produire ainsi tous les harmoniques du son
fondamental. L'échelle naturelle du cor est donc, théoriquement, la série des
sons harmoniques, déjà fréquemment exposée au cours de cet ouvrage. Mais les
dimensions du tuyau rendent l'émission du son fondamental très douteuse et d'un
timbre flasque, sans caractère, on n'en fait jamais usage, et la note la plus
grave que puisse donner un cor est en réalité le son 2 de la série des
harmoniques.
Voici l'échelle, ou, comme on dit quelquefois assez improprement, la gamme
du cor en ut, dont la fondamentale (impraticable) serait l'ut
au diapason réel
où chaque son est entendu :
Et voici comment on l'écrit :
Ceci donne lieu déjà à deux remarques intéressantes :
1° Il est d'usage, je ne sais trop pourquoi, de noter constamment le son le
plus grave (et celui-là seul) en clef de fa. Les autres sont écrits en
clef de sol, mais une octave au-dessus du son réel, comme cela a lieu
pour les voix de ténor.
2° Les sons 7, 11, 13 et 14 (en blanches) ne sont pas absolument justes; les
deux si bémol (7 et 14) sont sensiblement trop bas; ce défaut s'amoindrit
quand on joue un peu fort, mais reste très apparent dans les effets de douceur,
où il ne faut les employer qu'en qualité de notes de passage, ou encore seuls,
sans aucune harmonie ; le la (13) est aussi trop bas; quant au fa
# (11), il tient autant du fa naturel que du fa #, tellement que
dans la plupart des ouvrages spéciaux on le considère comme un fa trop
haut. Tous ces sons ont donc besoin d'être corrigés par l'habileté de
l'exécutant; dans leur état naturel, ils détonneraient avec les autres éléments
de l'orchestre, et, même isolés, ils surprendraient désagréablement notre
oreille; on ne les emploie qu'en les dénaturant légèrement par l'introduction de
la main dans le pavillon, ce qui abaisse leur intonation et assourdit en même
temps leur timbre. Ils rentrent alors dans la catégorie des sons dits bouchés,
par opposition aux sons naturels, qu'on appelle aussi ouverts.
Le même procédé peut s'appliquer à toutes les autres notes de l'échelle
naturelle, et c'est par cet artifice que le cor arrive à se créer une sorte de
gamme chromatique factice, dans laquelle les sons ouverts résonnent seule
éclatants et énergiques, tandis que les sons bouchés sont d'autant plus
vagues et timides que la main doit, pour les produire, s'engager plus
profondément dans le pavillon de l'instrument.
Dans l'exemple suivant, ces inégalités sont représentées par des différences
de valeurs; les rondes sonnent franchement, les blanches sont sourdes, et les
noires encore plus.
(Je néglige quelques nuances de détail dont la connaissance n'est utile que
pour les cornistes.)
La difficulté de jouer des passages compliqués ou rapides avec des moyens
d'exécution si délicats a conduit les facteurs de tous temps à fabriquer des
instruments dans plusieurs tons, ou, ce qui revient au même, à créer des pièces
mobiles, des tronçons de tube recourbés, qu'on nomme corps de rechange,
tons de rechange (ou, en langage courant, tons), qui, interposés
dans le circuit général, viennent allonger ou raccourcir le tuyau sonore. On
peut ainsi faire varier la fondamentale muette, et avec elle tous ses
harmoniques. Il existe des corps de rechange dans tous les tons, mais les seuls
dont aient fait emploi les maîtres classiques sont les suivants, dont je
transcris, en regard des sons réels produits, le mode de notation adopté; en
ajoutant à chacun d'eux les sons bouchés, qui sont les mêmes que pour le cor en
ut, on aura l'ensemble de tous les sons accessibles à ces instruments,
avec leur degré d'éclat ou d'atténuation
Le timbre du cor peut être utilisé de mille manières, mais une grande
habileté est nécessaire pour le bien employer. Il est tour à tour héroïque et
champêtre, sauvage ou d'une exquise poésie; et c'est peut-être dans l'expression
de la tendresse, de l'émotion, qu'il développe le mieux ses qualités
mystérieuses.
Dans les formules mélodiques qui exigent de la force ou de la rapidité, les
sons ouverts sont seuls d'un emploi certain. Les sons bouchés demandent à être
émis avec précaution, et n'atteignent jamais qu'une intensité moyenne. On en
facilite la production en les faisant précéder d'un son ouvert voisin.
Méthodes : Dauprat, Gatiay, Domnich, Meifred
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