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LA MUSIQUE ET LES MUSICIENS - CHAPITRE II — Le matériel sonore - De l'instrumentation. Clarinette. > CHAPITRE II — Le matériel sonore > De l'instrumentation. Clarinette. FAMILLE « CLARINETTE », INSTRUMENTS A ANCHE SIMPLE
Clarinette.
Cet instrument, le plus riche en étendue et comme variété de timbre de tous les
instruments à vent, est soumis à une loi spéciale et fort curieuse. Son tube est
absolument cylindrique, ouvert, et mis en vibration par une anche flexible en
roseau ; or, une particularité des tuyaux de telle construction, c'est qu'un
nœud de vibration vient se former non en leur point milieu, mais à l'extrémité
où se trouve l'anche, de telle sorte que le mode de subdivision de la colonne
aérienne est le même que dans un tuyau fermé. La clarinette ne possède donc que
les harmoniques impairs; ce qui rend son doigter très différent
de ceux de la flûte, du hautbois et du basson. Il semblerait que cela doit la
constituer en infériorité; loin de là, elle se prête avec une admirable
souplesse à l'expression de tous les sentiments que le compositeur veut lui
confier.
Son étendue, la plus grande de tous les
instruments à vent
chromatiquement (et pouvant menue, selon l'habileté du virtuose, aller au delà à
l'aigu), est pour beaucoup dans cette richesse d'expression. Mais la diversité
des timbres appartenant à ses régions grave, moyenne et aiguë, doit être
considérée comme la véritable supériorité de l'instrument.
La sonorité du registre grave, produit par les sons fondamentaux (qu'on appelle
aussi sons de chalumeau, en souvenir de l'instrument rudimentaire qui a donné
naissance à la clarinette, et ne possédait que ces notes graves), est vibrante,
creuse et mordante, presque caverneuse au bas de
l'échelle; ce registre s'étend de
à
. Le registre aigu, obtenu par le
même doigter, mais quintoyant, c'est-à-dire faisant entendre l'harmonique 3,
possède une force, un éclat et une chaleur incomparables. On l'appelle
registre de clairon1, et c'est de lui qu'est dérivé le nom même de l'instrument;
la clarinette est un chalumeau doué de la faculté de faire entendre ces
sons clairs à la douzième de la fondamentale :
à
. Entre les sons graves du
chalumeau et les sons énergiques du clairon se trouve
une étendue de quatre sons
qui est la partie la
plus faible de l'instrument, le médium. Puis, au-dessus du clairon viennent les
notes suraiguës2, d'un caractère perçant souvent désagréable, difficiles à
employer autrement que dans la grande force :
etc. On voit
par ce tableau succinct l'extrême multiplicité des effets auxquels peut se
prêter la clarinette. Presque aussi agile que la flûte, elle peut aborder les
traits les plus compliqués, même ceux qui contiennent des écarts brusques; les
arpèges y sont spécialement brillants; d'assez nombreux trilles, pourtant, lui
sont interdits :
Tous ne sont pas impraticables, mais ils sont tout au moins d'une exécution
risquée.
Il faut également tenir compte que les tonalités les plus voisines du ton d'ut
sont les plus convenables pour
des dessins rapides ou compliqués, et que les tons chargés de plus de deux ou
trois altérations entraînent des difficultés d'exécution.
Afin de rendre pratique l'usage de la clarinette dans des morceaux d'un ton
quelconque, on construit cet instrument de trois grandeurs différentes ; celui
que nous venons de décrire, c'est la clarinette en ut, qui fait entendre les
sons tels qu'ils sont écrits.
Un peu plus longue est la clarinette en si b, qui s'écrit de la même
manière, mais produit chaque son une seconde majeure plus bas :
effet
On doit donc la lire en clef d'ut 4e, avec le changement d'armature convenable.
Un tube encore un peu plus long fournit l'échelle de la clarinette en la, qui
sonne une tierce mineure au-dessous de la note écrite :
effet
et doit
être lue conséquemment au moyen de la clef d'ut 1re.
Ces deux dernières sont donc des instruments transpositeurs.
Indépendamment des différences d'étendue réelle, et indépendamment aussi des
qualités de timbre appartenant à leurs différents registres, les trois
clarinettes, en ut, en si b, en la, possèdent chacune leur caractère spécial et
bien caractérisé.
La clarinette en ut est éclatante, joyeuse, rude et parfois triviale.
La clarinette en si b a un timbre riche, chaud, brillant et velouté, très
énergique et passionné.
La clarinette en la est tendre et élégiaque, pénétrante, mais sombre.
On voit par là que la Clarinette en si bémol est la plus riche et la plus
complète de la famille ; aussi est-elle presque uniquement adoptée par les
grands virtuoses, qui arrivent, à force d'habileté, à exécuter sur ce seul
instrument ce qui est écrit pour les deux autres, sauf, bien entendu, le son le
plus grave de la clarinette en la, qui leur demeure inaccessible.
En agissant ainsi, dans l'intérêt de leur commodité personnelle et de la
simplification de leur matériel, ils ne veulent pas s'avouer à eux-mêmes qu'ils
dénaturent jusqu'à un certain point la pensée de l'auteur, en ne lui fournissant
pas exactement le timbre par lui désiré.
Méthodes : Beer, Klosé, G. Parès.
1. Il n'y a aucun rapport à chercher avec l'instrument du même nom qui sert aux
appels militaires.
2. Douzièmes de celles du médium, et obtenues par le même doigter.
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