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LA MUSIQUE ET LES MUSICIENS - CHAPITRE III - Grammaire de la musique - Contrepoint double. > CHAPITRE III - Grammaire de la musique > Contrepoint double. CONTREPOINT DOUBLE
Je crois que dès à présent le lecteur qui aura bien voulu prendre la peine de
parcourir les pages précédentes, et d'en lire les exemples, sera à l'abri de
cette erreur qui fait, dans l'esprit de beaucoup, du contrepoint une sorte de
corollaire de l'harmonie moderne, et qu'il percevra nettement que ce sont deux
techniques séparées.
La différence deviendra encore plus visible dans le contrepoint double
qui est déjà entièrement de la composition, aucune partie n'étant plus donnée.
Ce contrepoint ressemble, au premier aspect, à un contrepoint fleuri dans deux
parties, et il est soumis aux mêmes règles; mais de plus, et c'est là ce qu'il a
de particulier, il doit être combiné de telle façon qu'on puisse intervertir
les parties, faire de la première la seconde et de la seconde la première, sans
qu'il en résulte aucune incorrection, d'où de nouvelles règles d'un genre
spécial. Il faut prévoir, en le composant, ce qu'il deviendra par le
renversement, et éviter ce qui serait fautif dans cette nouvelle position.
Je décrirai ici seulement le contrepoint double à l'octave, à la fois le plus
simple et le plus important.
La quinte y devient suspecte, car, renversée, elle donne une quarte; il faut
donc la traiter comme une dissonance, elle doit être préparée et résolue. La
dissonance de neuvième, qui ne peut être, en contrepoint simple, que le retard
de la basse doublée, devient impraticable, puisqu'il en résulterait, par le
renversement, une septième dont la résolution se ferait à la partie grave, ce
qui est inadmissible.
Voici, par le détail, comment on doit employer chaque intervalle pour que le
résultat soit renversable à l'octave :
1. — L'unisson ne peut trouver place qu'à la première
ou à la dernière mesure, ou sur un temps faible ou une partie faible.
2. — La seconde, comme note de passage ou, préparée et résolue, comme retard de
la basse.
3. — La tierce, pas plus de trois fois de suite; ce serait une pauvreté.
4. — La quarte, comme note de passage ou comme retard.
5. — La quinte, comme la quarte.
6. — La sixte, comme la tierce.
7. — La septième, comme la seconde, c'est-à-dire en note de passage ou en retard
préparé et résolu.
8. — L'octave, le moins possible, sauf au commencement et à la fin.
9. — La neuvième, uniquement comme note de passage ou broderie.
Les autres règles restent en vigueur; pas de croisements, jamais d'octaves ni de
quintes consécutives, et autant de variété que possible dans les contours
mélodiques et les groupements de valeurs.
Quand un contrepoint de cette nature est composé avec peu de notes, se mouvant
dans l'espace d'une octave, on peut le renverser de plusieurs manières
différentes, en
confiant chacune de ses parties à diverses voix, soit à l'unisson, soit à
l'octave, soit a la quinzième, ce qui ne l'empêche pas de s'appeler toujours
contrepoint double à l'octave.
S'il excède cette limite, le renversement à la quinzième reste seul praticable
sans qu'il y ait croisement.
Après le contrepoint double à l'octave, les plus usités sont ceux à la quinte ou
douzième, et à la tierce ou dixième1 ; puis viennent enfin ceux à d'autres
intervalles, à la seconde, à la quarte, à la sixte et à la septième, à peu près
inusités et offrant peu de ressources. Quand on emploie le terme contrepoint
double sans spécifier d'intervalle, c'est toujours celui à l'octave qu'on a en
vue.
1. Nom en dirons quelques mots un peu plus loin.
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