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LA MUSIQUE ET LES MUSICIENS - CHAPITRE III - Grammaire de la musique - Exposé du système harmonique. Règles spéciales aux accords dissonants : Préparation. > CHAPITRE III - Grammaire de la musique > Exposé du système harmonique. Règles spéciales aux accords dissonants : Préparation. XIV. — Une autre loi régit l'enchaînement des accords dissonants ; c'est la
préparation de la dissonance, qui consiste à la faire entendre préalablement,
et à la même partie, dans l'accord précédent. Son but est d'atténuer la dureté
en accoutumant l'oreille à la note qui va
devenir dissonante, et qu'on présente d'abord comme consonance.

Anciennement, la préparation était considérée comme obligatoire pour toute
dissonance. C'est à la fin du XVIe siècle qu'un puissant novateur,
qui a joué un rôle considérable dans l'évolution musicale, Monteverdi1,
osa, lui premier, attaquer directement, sans préparation, les dissonances
contenues dans les accords de septième de dominante, de septième de sensible, de
septième diminuée, et même de neuvième de dominante, formant ainsi de ces
accords (qui sont entièrement fournis par les sons harmoniques) une famille
spéciale, intermédiaire entre les accords consonants et les véritables accords
dissonants, et qu'on a appelée depuis d'un nom fort approprié, harmonie
dissonante naturelle.
Ce groupe mixte, en quelque sorte, est soumis aux lois spéciales des accords
dissonants en ce qui concerne la résolution, mais est dispensé de préparation,
ce qui le rattache, d'un autre côté, aux accords consonants.
Telle est la théorie actuellement admise comme classique, mais je dois dire
que de jour en jour elle s'élargit, et que nombre de compositeurs modernes
attaquent coramment toute espèce de dissonance, sans qu'il soit question de
préparation.
Arrivé ici, le lecteur comprendra aisément pourquoi je n'ai pas osé fixer, au
chapitre traitant d'acoustique, la délimitation précise entre ce qui est
contenant et ce qui est dissonant; il y a là une question d'usage, d'habitude,
de tolérance et d'accoutumance de l'oreille, qui a varié, varie et variera
encore selon les époques, en raison des tendances individuelles des compositeurs
et aussi du degré de dureté que l'éducation musicale des auditeurs les conduira
progressivement à supporter. Il est déjà facile de prévoir que dans un avenir
peu éloigné la préparation des dissonances tombera en désuétude et ne subsistera
qu'à titre d'archaïsme.
De nos jours, et à l'école, dans les études d'harmonie, elle reste encore
obligatoire pour les accords les plus dissonants : ceux de septième majeure, de
septième mineure, et de septième mineure et quinte diminuée, qui, dans certains
traités, sont appelés accords avec prolongation, et, dans d'autres, constituent
l'harmonie dissonante artificielle. Ces deux termes sont également justifiés par
les explications qui précèdent.
1. Il est probable que Monteverdi n'a pas eu conscience lui-même de l'immense
portée de sa trouvaille.
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