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LA MUSIQUE ET LES MUSICIENS - CHAPITRE PREMIER - Étude du son musical - Transmission du son par l'air - Résonance > CHAPITRE PREMIER - Étude du son musical > Transmission du son par l'air - Résonance Quand le son est produit par la colonne d'air contenue dans un tuyau, on conçoit
que l'air ambiant soit mis en vibration par la masse assez considérable du corps
sonore. Il n'en est pas de
même pour les cordes; la surface très fine d'une corde ne déplacerait que peu de
molécules voisines, et ne leur communiquerait que des oscillations très faibles
et musicalement
insuffisantes. L'art utilise ici un phénomène du plus haut intérêt, qui
s'appelle la résonance.
Certains corps, le bois notamment, entrent en vibration
avec une facilité extrême; on en construit des caisses, des tables, sur
lesquelles les cordes sont tendues; par les points d'attache, et surtout par le
chevalet, les vibrations sont transmises à
la table, qui, au moyen de sa large surface, les communique avec force à l'air
environnant.
La résonance ne se manifeste pas seulement lorsque le corps sonore est
directement en contact avec l'organe renforçant, mais dans une multitude de cas
que chacun discernera quand
nous en aurons signalé quelques-uns. Un violoncelle, ou une guitare avec ses
cordes, suspendue au mur d'une chambre, vibrera énergiquement, sans que personne
y touche, si une voix
bien timbrée fait entendre à quelque distance un son correspondant à l'une de
ses cordes, ou ayant seulement avec elle quelque affinité par les harmoniques. —
Ouvrez le couvercle d'un
piano, abaissez la pédale qui soulève les étouffoirs1, et, vous penchant
au-dessus des cordes,vocalisez fortement l'accord ou tout autre; aussitôt vous entendrez
les cordes dont la période de vibration est la même que celle des sons que vous
aurez chantés reproduire le même accord. — Prenez deux diapasons bien d'accord
ensemble et montés sur
des boîtes de résonance; ébranlez l'un des deux avec un archet, et son
camarade, fût-il même placé assez loin, entrera tout seul en vibration. L'air
aura transmis son mouvement à la masse
d'air contenue dans la caisse résonnante du deuxième diapason, qui aura eu assez
de force pour ébranler ce lourd barreau d'acier courbé. — Séparez l'un des
diapasons de sa boîte, et, en le
frappant avec un corps dur, mettez-le en vibration; tenu à la main, vous
l'entendrez à peine; approchez-le d'un vase quelconque ou d'un tuyau ayant 39
centimètres de hauteur, et le son sera
considérablement renforcé, parce qu'un tuyau
de 39 centimètres est juste à l'unisson d'un la de 870 vibrations2. Dans ce cas,
c'est la colonne d'air qui est mise en mouvement par les oscillations régulières
des branches du diapason. —
Deux pianos étant à côté l'un de l'autre, mettez la pédale de l'un, et jouez une
gamme sur l'autre; vous aurez un horrible charivari. —J'avais autrefois une
petite lampe au pétrole qui n'a jamais
voulu me permettre déjouer sur le piano la marche de Tannhauser. Dès que
j'arrivais à l'accord de la sonnerie de trompettes du
début elle
s'éteignait comme par enchantement. Il est évident que cet accord correspondait
aux modes de division du verre, et y mettait l'air dans un tel état
d'effervescence que la flamme était comme
soufflée; c'était subit, et lorsque je voulais jouer ce morceau, je devais aller
chercher une autre lampe. — Il n'est personne qui n'ait remarqué que certains
corps, qui ne sont pas des
instruments de musique, les bobèches notamment, les cristaux des lustres,
entrent intempestivement en vibration sous l'influence de certaines notes,
tandis que les autres ne les tirent pas
de leur repos. — Toutes ces manifestations reconnaissent une seule et même
cause, la vibration par influence ou par sympathie. Quelque faibles et petites
que soient les ondes aériennes,
elles arrivent, en s'ajoutant les unes aux autres, et grâce à leur parfaite
régularité, à mettre en mouvement des corps relativement pesants, à cette
condition seule, mais indispensable, que
lesdits corps soient constitués de façon à pouvoir emboîter le pas avec
elles, c'est-à-dire à s'accommoder de leur période de vibration. Tel est le
phénomène de la résonance.
Lorsqu'une personne inaccoutumée à cet exercice veut mettre en mouvement la
grosse cloche d'une église, elle y dépense beaucoup de force inutile; le petit
enfant de chœur, instruit par
une expérience naïve renouvelée plusieurs fois par jour, se suspend
instinctivement à la corde d'une manière cadencée, selon un rythme régulier, et
patiemment attend que ces faibles
pulsations, s'ajoutant les unes aux autres, ébranlent le lourd bourdon. C'est
ainsi que les condensations et dilatations alternatives des ondes sonores
parviennent, par leur persistant isochronisme, à contraindre des corps souvent très massifs à subir leur
influence.
1. Celle de droite.
2. On peut faire ce tuyau avec du carton, ou même du papier
un peu fort.
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