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Accueil de la bibliothèque > Mémoires de Hector Berlioz MÉMOIRES DE HECTOR BERLIOZ - VOYAGE EN DAUPHINÉ. Deuxième pèlerinage à Meylan. — Vingt-quatre heures à Lyon. — Je revois M<sup>me</sup> F****** — Convulsions de cœur. (5/13) > VOYAGE EN DAUPHINÉ. Deuxième pèlerinage à Meylan. — Vingt-quatre heures à Lyon. — Je revois Mme F****** — Convulsions de cœur. (5/13)

« — Mon Dieu, monsieur Berlioz, vous venez chercher une réponse ?
— Oui, madame.
— Je vous avais écrit, et j’allais avec ces dames vous porter ce billet au grand hôtel. Je ne pourrai malheureusement accepter demain votre aimable invitation. On m’attend à la campagne assez loin d’ici et je partirai à midi. Mille pardons de vous avoir instruit de cela si tard, mais je ne suis rentrée et n’ai connu votre offre que tout à l’heure. »

Comme elle faisait le geste de mettre la lettre dans sa poche :

« — Veuillez me la donner, m’écriai-je.
— Oh! cela ne vaut pas la peine...
— Je vous en prie, vous me la destiniez.
— Eh bien, la voilà. »

  Elle me donna la lettre et je vis son écriture pour la première fois.

« — Ainsi je ne vous reverrai pas ? lui dis-je dans la rue.
— Vous partez ce soir ?
— Oui, madame, adieu.
— Adieu, je vous souhaite un bon voyage. »

Je lui serre la main et je la vois s’éloigner avec les deux dames allemandes. Alors, le croira-t-on, je devins presque joyeux; je l’avais revue une seconde fois, je lui avais parlé de nouveau, j’avais encore pressé sa main, je tenais une lettre d’elle, lettre qu’elle terminait en m’assurant de ses sentiments affectueux. C’était un trésor inespéré; et je m’acheminai vers le grand hôtel avec l’espoir de dîner à peu pres tranquillement chez Mlle Patti. En me voyant entrer dans son salon, la virtuose pousse un cri de joie, battant des mains comme font les enfants : « Ah! quel bonheur! le voilà! le voilà! » et la ravissante diva accourt, selon sa coutume, présenter à mes lèvres son front virginal. Je me mets à table avec elle, son père, son beau-frère et quelques amis. Pendant le dîner elle m’accable de mille adorables câlineries, en disant de temps en temps : « Il a quelque chose! à quoi pensez-vous ? je ne veux pas que vous ayez du chagrin. » L’heure du départ venue, on décide qu’on m’accompagnera à l’embarcadère : la charmante enfant, une de ses amies et son beau-frère montent en voiture avec moi. On nous permet d’entrer tous les quatre dans la gare. Adelina ne veut me laisser qu’au dernier moment quand le train se mettra en marche. Le signal est donné. Il faut se quitter. Alors, la folâtre me saute au cou, m’embrasse : « Adieu, adieu, à la semaine prochaine. Nous retournons à Paris mardi, vous viendrez nous voir jeudi. C’est entendu, n’est-ce pas ? Vous n’y manquerez pas ? » On part...

Que n’eussé-je pas donné pour recevoir de telles marques d’affection de Mme F****** et n’être accueilli de Mlle Patti qu’avec une froide politesse!... Pendant toutes ces chatteries de la mélodieuse Hébé, il me semblait qu’un oiseau merveilleux aux yeux de diamant voltigeât autour de ma tête, se posant sur mon épaule, becquetant mes cheveux et me chantant avec des battements d’ailes ses plus joyeuses chansons. J’étais ravi, mais non ému. C’est que la jeune, belle, éblouissante et célèbre virtuose, qui, à vingt-deux ans, a déjà vu l’Europe et l’Amérique musicales à ses pieds, je ne l’aime pas d’amour; et la femme âgée, triste et obscure, à qui l’art est inconnu, possède mon âme, comme elle l’eut autrefois, comme elle l’aura jusqu’à mon dernier jour.

Balzac et Shakespeare lui-même, ce grand peintre des passions, n’ont jamais songé qu’il pût exister rien de pareil. Un seul poëte, un poëte anglais, Thomas Moore, a cru que cela pouvait être et a su décrire ce rare sentiment, en vers admirables qui me reviennent en ce moment à la pensée :

« Believe me, if all those endearing young charms. »
                                              (Irish melodies.) 

En voici la traduction :

Crois-moi, quand tous ces jeunes charmes ravissants que je contemple si passionnément aujourd’hui viendraient à changer demain et à s’évanouir entre mes bras, comme un présent des fées, tu serais encore adorée autant que tu l’es en ce moment. Que ta grâce se flétrisse, chaque désir de mon cœur ne s’enlacera pas moins, toujours verdoyant, autour de la ruine chérie.

Ce n’est pas pendant que tu possèdes la jeunesse et la beauté, quand tes joues n’ont pas encore été profanées par une larme, que peuvent être connues la ferveur et la foi d’une âme à laquelle le temps ne fera que te rendre plus chère. Non, le cœur qui vraiment aima jamais n’oublie, mais aime vraiment jusqu’à la fin. Comme la fleur du soleil tourne vers son dieu, quand il se couche, le même regard dont elle a salué son lever.

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