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Accueil de la bibliothèque > Mémoires de Hector Berlioz MÉMOIRES DE HECTOR BERLIOZ - LVII. Paris. — Je fais nommer à la direction de l’Opéra MM. Roqueplan et Duponchel. — Leur reconnaissance. — La Nonne Sanglante. — Je pars pour Londres. — Jullien, directeur de Drury-Lane. — Scribe. — Il faut que le prêtre vive de l’autel. (2/4) > LVII. Paris. — Je fais nommer à la direction de l’Opéra MM. Roqueplan et Duponchel. — Leur reconnaissance. — La Nonne Sanglante. — Je pars pour Londres. — Jullien, directeur de Drury-Lane. — Scribe. — Il faut que le prêtre vive de l’autel. (2/4)

J’avais depuis longtemps commencé la partition d’un grand opéra en cinq actes (la Nonne sanglante) que m’avait demandé M. Léon Pillet, dont Scribe avait esquissé le livret, et pour lequel un contrat avait été signé entre nous et M. Pillet. Croirait-on qu’au milieu de notre conversation, Roqueplan eut l’audace de me jeter ces paroles à la face :

« — Vous avez un poème d’opéra de Scribe ? 
— Oui. 
— Eh bien! que voulez-vous en faire ? 
— Parbleu! ce qu’on fait des poëmes d’opéras apparemment. 
— Mais, vous le savez, par un règlement ministériel, il est interdit aux artistes employés dans notre théâtre, d’y faire représenter leurs ouvrages, et comme vous allez y occuper une place, vous ne pourrez pas faire des opéras. 
— Oh! je n’ai pas l’intention d’en écrire une douzaine, soyez tranquille; si j’en pouvais produire deux bons dans ma vie, je m’estimerais très-heureux. 
— N’importe, il vous sera même impossible d’en faire jouer un seul. Votre Nonne sera perdue; vous devriez nous la donner; nous la ferions mettre en musique par un autre. »

Je me contins encore et répondis d’une voix étranglée :

« — Prenez-la! »

À partir de ce moment, la conversation devint de plus en plus embrouillée et inutile. J’avais deviné mes hommes. Mes soupçons étaient évidemment fondés. On visait à se débarrasser de moi, et non seulement on ne voulait tenir aucune des promesses faites, mais, me regardant comme un absurde et dangereux compositeur, incapable d’autre chose que de compromettre un théâtre, on avait la ferme résolution de ne jamais rien faire entendre de ma composition à l’Opéra, et on allait jusqu’à me retirer un ouvrage déjà commencé et offert à moi par le précédent directeur.

Duponchel ne disait mot, assez embarrassé du cynisme de son confrère. Bien qu’il n’eût pas plus que lui de confiance en ma valeur musicale, il semblait sentir pourtant que des directeurs me devant leur place étaient tenus au moins de cacher toute opinion blessante pour moi, sinon de faire avec empressement un sacrifice en montant mon ouvrage, dont l’insuccès leur paraissait certain.

L’opinion de ces messieurs, au sujet de mes compositions, n’était pas, on peut le croire, ce qui m’indignait; je les avais souvent entendus exprimer leur mépris souverain pour Beethoven, pour Mozart, pour Gluck et pour tous les vrais dieux de la musique, et j’eusse été bien honteux au contraire de trouver chez eux quelque apparence de sympathie. Mais cette colossale ingratitude dépassait tout ce que j’avais pu connaître en ce genre jusqu’alors. En conséquence, le lendemain de cette conversation, où rien ne fut conclu, mais où j’appris ce que je voulais savoir, l’étendue de la reconnaissance de mes deux obligés, j’acceptai la proposition qui, par hasard, me fut faite alors d’aller diriger l’orchestre du grand Opéra anglais de Londres. J’écrivis aussitôt à MM. Duponchel et Roqueplan pour leur apprendre ma détermination, les dégageant de toutes leurs promesses et leur souhaitant toutes sortes de prospérités. Alors ces messieurs, pour se disculper aux yeux de personnes instruites de ce que j’avais fait pour eux, et rejetant sur moi l’odieux de leur conduite, allèrent partout dire que j’avais exigé la place de premier chef d’orchestre et l’expulsion de M. Girard. Double calomnie, puisque, dès l’origine, j’avais déclaré, au contraire, ne vouloir rien accepter au détriment de Girard. Il en résulta que celui-ci crut le mensonge; je m’offensai de sa crédulité; et depuis lors nous sommes demeurés brouillés; ce qui est pour moi, j’en conviens, un assez petit malheur. Au reste, il faut l’avouer, j’eus dans cette affaire à peu près ce que je méritais. Je connaissais parfaitement la moralité musicale de mes aspirants à la direction de l’Opéra; ce sont deux Chinois en fait de musique, et qui plus est, ils se croient doués de jugement et de goût. Ils joignent, en conséquence, à la plus complète ignorance, à la plus profonde barbarie, une entière confiance en eux. Il était donc de mon devoir, au lieu de leur aplanir la voie, pour arriver à notre grande scène lyrique, de les en écarter par tous les moyens.

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