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Accueil de la bibliothèque > Mémoires de Hector Berlioz MÉMOIRES DE HECTOR BERLIOZ - LVI. Retour à Saint-Pétersbourg. — Deux exécutions de Roméo et Juliette au grand-théâtre. — Roméo dans son cabriolet. — Ernst. — Nature de son talent. — L’action rétroactive de la musique.</b> <b>(2/3) > LVI. Retour à Saint-Pétersbourg. — Deux exécutions de Roméo et Juliette au grand-théâtre. — Roméo dans son cabriolet. — Ernst. — Nature de son talent. — L’action rétroactive de la musique. (2/3)

Pour tout dire, malgré l’accueil chaleureux que fit le public à ma grande symphonie, je crois qu’en somme l’ampleur de ses formes et la solennité triste des scènes finales surtout, le fatiguèrent un peu, et qu’il préféra de beaucoup Faust à Roméo et Juliette. J’en eus la preuve quand nous eûmes annoncé la seconde exécution. Le caissier du théâtre fort satisfait du résultat de la première soirée, m’avoua ses craintes pour la seconde si je ne donnais, en outre de Roméo, au moins deux scènes de Faust. Et je dus suivre son conseil.

Parmi les auditeurs de cette deuxième exécution, se trouvait, m’a-t-on dit, une dame habituée du Théâtre-Italien, qui s’ennuya avec un courage exemplaire. Elle ne pouvait souffrir qu’on la supposât incapable de se plaire à l’audition d’une musique pareille. En sortant de sa loge, toute fière d’y être restée jusqu’à la fin du concert : « C’est une œuvre très-sérieuse, il est vrai, dit-elle, mais parfaitement intelligible. Et dans ce grand effet instrumental de l’introduction, j’ai tout de suite compris qu’on entendait Roméo arrivant dans son cabriolet » !!!...

La moins heureuse de mes partitions à Saint-Pétersbourg fut l’ouverture du Carnaval romain. Elle passa presque inaperçue le soir de mon premier concert; et le comte Michel Wielhorski (un excellent musicien pourtant), m’ayant avoué qu’il n’y comprenait rien, je ne la redonnai plus. On dirait cela à un Viennois qu’il aurait peine à le croire; mais, comme les drames et les livres, comme les roses et les chardons, les partitions ont leur destin.

J’oubliais de dire qu’à une représentation au bénéfice de Versing, au grand théâtre, je dirigeais aussi l’exécution de ma Symphonie fantastique, et qu’à cette occasion, Damcke, l’habile compositeur, pianiste, chef-d’orchestre et critique, eut l’incroyable complaisance de venir, comme un simple timbalier, sonner sur le piano les deux notes graves (ut-sol) qui représentent le glas funèbre dans le finale de cet ouvrage.

De toutes mes compositions, l’ouverture du Carnaval romain a été longtemps la plus populaire en Autriche, on la jouait partout. Je me souviens que pendant mon séjour à Vienne, elle causa divers incidents qui méritent d’être racontés. L’éditeur de musique Haslinger donnait une soirée musicale, dans laquelle, entre autres choses, on devait exécuter cette ouverture arrangée pour deux pianos à quatre mains et un phisharmonica.

Quand le tour de ce morceau fut venu dans le concert, je me trouvais auprès d’une porte donnant dans le salon où étaient les cinq exécutants. Ils commencent le premier allegro dans un mouvement beaucoup trop lent. L’andante va tant bien que mal. Mais au moment où ils reprennent l’allegro d’une façon plus traînante encore que la première fois, le sang me monte à la tête, je deviens rouge, cramoisi, et incapable de contenir mon impatience, je leur crie : « Mais ce n’est pas le carnaval, c’est le carême, c’est le vendredi saint de Rome que vous jouez là! » Je laisse à penser l’hilarité que cette exclamation excita dans l’auditoire. On ne put rétablir le silence, et l’ouverture s’acheva au milieu des rires et des conversations de l’assemblée, toujours tranquillement et sans que rien parvînt à troubler la paisible allure de mes cinq interprètes.

Quelques jours après, Dreyschok donnant un concert dans la salle du Conservatoire, me pria de diriger l’exécution de cette même ouverture qui figurait dans son programme.

« Je veux vous faire oublier, me dit-il, le Carême de la soirée d’Haslinger. » Il avait engagé tout l’orchestre de Kerntnerthor. Nous ne fîmes qu’une répétition. Au moment de la commencer, un des premiers violons qui parlait français me dit à l’oreille : « Vous allez voir la différence qu’il y a entre nous et ces petits drôles du théâtre an der Wien » (le théâtre de Pockorny où je donnais mes concerts). Certes, il avait raison. Jamais on n’a exécuté cette ouverture avec plus de feu, de précision, de brio, de turbulence bien réglée. Et quelle sonorité orchestrale! Quelle harmonie harmonieuse! Ce pléonasme apparent peut seul rendre mon idée. Aussi le soir du concert, elle éclata comme une poignée de serpenteaux dans un feu d’artifice. Le public la fit recommencer avec des cris, des trépignements qu’on n’entend qu’à Vienne. Dreyschok, dont cet enthousiasme intempestif dérangeait le succès personnel, déchirait ses gants de fureur et disait naïvement : « Si jamais on me rattrape à faire jouer des ouvertures dans mes concerts!... » Il me regardait d’un air courroucé, comme si j’eusse été coupable à son égard d’un indigne procédé. Cette mauvaise humeur comique, je dois le dire bien vite, fut de courte durée, et ne l’empêcha point, quelques semaines après, de se montrer à Prague plein de cordialité à mon égard.

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