Accueil de la bibliothèque > Argot musical
ARGOT MUSICAL - Saxons et Carafons. > Saxons et Carafons. Saxons et Carafons. -- Noms donnés aux champions du fameux tournoi musical qui
eut lieu, en 1845, au champ de Mars, entre la musique de Sax et celle du Gymnase
militaire dirigée par Carafa. Ce duel avait pour but la comparaison des
anciennes musiques militaires avec l'organisation nouvelle que le célèbre
facteur belge proposait de faire adopter par le ministre de la guerre.
Voici en quels termes humoristiques le Charivari raconta cette lutte mémorable.
« A midi, les deux camps étaient en présence; les membres de la commission,
des généraux et des compositeurs avaient pris position sous le pavillon de
l'Horloge, afin de juger des coups... de piston!
« Avant que l'action ne
s'engageât, de sourdes rumeurs circulèrent sur des manoeuvres d'embauchage qui
auraient eu lieu précédemment dans le camp des Saxons. On parlait de désertions
qui se seraient déclarées comme à Waterloo, la veille même de la bataille.
« On voyait des deux côtés les généraux ranger leurs troupes en ordre de
bataille, les animer de la voix et du geste. Tous les combattants se
montraient disposés à soutenir la lutte jusqu'à leur dernier souffle.
« Les cors ne paraissent nullement disposés à baisser pavillon et les bassons
étaient fermes à leur poste comme de vieux grognards qu'ils sont.
« Notons que les deux armées se trouvaient disposées parallèlement, à quelques
pas de distance l'une de l'autre : les clarinettes, placées sur les ailes, se
touchaient presque; elles pouvaient se canarder à bout portant.
« Enfin la bataille commença; ce ne furent, dans les premiers instants, que de
simples accords dans tous les tons, comme qui dirait des fusillades de
tirailleurs. Puis, la mêlée s'échauffa; chaque armée exécutait à son tour le
même morceau, et, par parenthèse, les vieux instruments avaient jugé à propos de
soutenir leur charge harmonique par des roulements continuels de tambours. Le
combat dura plus d'une heure. Sous le rapport du moelleux, de la flexibilité,
l'avantage appartint incontestablement aux Saxons. C'était donc comme à Lutzen :
Des conscrits de bugles avaient vaincu de vieilles moustaches trombonistes.
« On n'a eu à regretter que quelques oreilles blessées par des couacs égarés.
Après cette lutte d'ophicléides, aucun débris ne jonchait le champ de bataille.
Sans doute, à l'exemple des Arabes, les vaincus avaient enlevé leurs cors morte.
»l
1. Voir les détails intéressants de cette bataille instrumentale dans l'Histoire
d'un Inventeur, par M. O. Comettant.
|