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ARGOT MUSICAL - Arrangeurs. > Arrangeurs. Arrangeurs. -- Compositeurs, chefs d'orchestre, directeurs, éditeurs, amateurs,
chanteurs, instrumentistes ou même chefs de claque accommodant la musique des
autres à des sauces variées. (Argot musical.)
Mozart a instrumenté les oratorios de Hsendel et, juste châtiment, Mozart a été
réinstrumenté à son tour. On a bourré Figaro et Don Juan d'ophicléides et de
grosse caisse.
-- « C'est indigne! c'est affreux! disait un jour à Berlioz l'auteur de la
Vestale; mais on me corrigera donc aussi, moi, quand je serai mort?
-- « Dame! mon cher Spontini, vous avez bien corrigé Gluck. »
Habeneck aimait à promener son crayon rouge sur les partitions qu'il devait
conduire.
« Il arrangeait, arrangeait, arrangeait. »
L'entrée des contrebasses du fameux scherzo de la symphonie en ut mineur de
Beethoven n'étant pas de son goût, il biffa l'entrée des contrebasses.
Il eut, un jour, à ce sujet une chaude discussion avec Berlioz que celui-ci
termina en s'écriant : «Si
Beethoven revenait au monde et si, en entendant sa symphonie comme vous l'avez
arrangée, il demandait qui s'est avisé de lui donner là une leçon,
d'instrumentation, vous feriez en sa présence une singulière figure.
Oseriez-vous lui répondre : c'est moi? Lulli cassa un jour un violon sur la tête
d'un musicien de l'Opéra qui lui manquait de respect; ce n'est pas un violon,
mais une contrebasse que Beethoven casserait sur la vôtre. »
Berlioz, qui lança tant de foudres contre les arrangeurs, ne put lui-même
échapper à la contagion. De même que Castil-Blaze, dont il avait anathématisé le
Robin des Bois, l'auteur des Troyens se rendit coupable du crime ,de
lèse-Weber,
en soudant par des récitatifs les pages inspirées du Freyschutz.
Rossini raillait en entendant parler des changements, des broderies et des
platitudes que ses interprètes introduisaient dans ses opéras.
-- « Ma musique n'est pas encore faite, disait-il, on y travaille. Mais ce n'est
que le jour où il n'y restera plus rien de moi qu'elle aura acquis toute sa
valeur. »
Pendant longtemps on joua la moitié du quatrième acte de Moïse, pour servir de
lever de rideau avant un ballet. Le directeur de l'Opéra, rencontrant un jour
Rossini, l'aborde avec ces mots : « Eh bien, cher maître, nous jouons demain le
quatrième acte de votre Moïse. »
-- Bah! tout entier? réplique le maestro.
Tirons le bouquet des artifices employés par les arrangeurs, en reproduisant
cette affiche de 1808, citée dans les souvenirs d'A. Adam :
THÉÂTRE DE GIVET
Aujourd'hui, pour célébrer la présence dans nos murs de notre célèbre
compatriote
M. MÉHUL
La première représentation de
UNE FOLIE
Opéra-comique en deux actes, de MM. Bouilly et Méhul.
Nota. -- Dans l'intérêt de la pièce, on a cru devoir supprimer les morceaux de
musique qui ralentissaient la marche de l'action.
(Voir Décompositeur, Pastiche,
Pâtissier.)
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