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ARGOT MUSICAL - Accordéon. > Accordéon. Accordéon. — Chapeau à claque, dont la surface cylindrique se replie comme un
soufflet d'accordéon. (Argot populaire.)
On donne également le nom d'accordéon au chapeau haute forme ordinaire qui a
reçu un renfoncement.
« Le pianiste Z..., célèbre surtout par ses distractions, est prié dans un salon
de faire entendre sa pluie d'étoiles. Il dépose son couvre-chef sur le tabouret
du piano, ôte ses gants en promenant déjà sur son auditoire un regard
conquérant. Soudain
un cri retentit, suivi d'une longue exclamation. L'infortuné pianiste venait de
s'asseoir sur son chapeau.
— Suis-je donc aveugle? s'écrie-t-il d'un ton vexé, en désaplatissant le soyeux
cylindre.
— Alors, maestro, lui dit-on, jouez-nous de l'accordéon. » (Musicorama.)
Malgré les railleries dont il fut si souvent la cible, le chapeau-accordéon a
droit aujourd'hui à la considération publique. M. P. Giffard raconte qu'un jour
Edison s'amusait à parler dans son accordéon qu'il tenait de la main gauche
tandis que la droite était placée sur le fond extérieur de cette coiffure.
S'étant aperçu que le son de sa voix faisait vibrer le fond du chapeau, Edison
se dit qu'une plaque de métal répéterait encor mieux ces vibrations. A quelque
temps de là, le phonographe était inventé.
On voit que cette admirable découverte n'eût pu se réaliser sous Louis XIV, où
la coiffure se composait d'un feutre mou, ni même de nos jours, si le
Nouveau-monde avait adopté le fez ou le melon.
L'Accordéon n'est point le seul argotisme qui serve de trait-d'union entre la
chapellerie et la musique. Les Françaises portaient, à la fin du XVIIe siècle,
de hautes coiffures dites à tuyaux-d'orgues et si élevées que leur tête semblait
être placée au milieu du corps. On fabrique encore nos chapeaux de feutre en
jouant du monocorde. (Voir Arçon).
Un instrument de percussion, naguère usité dans nos musiques militaires, avait
été baptisé du nom de chapeau-chinois.
Un spirituel écrivain, Cl. Caraguel, a même eu la hardiesse de comparer la voix
de nos grands chanteurs à un vulgaire chapeau.
« Que l'on se figure, dit-il, une patère placée beaucoup trop haut pour que l'on y
puisse atteindre et à laquelle pourtant ou serait tenu d'accrocher son chapeau,
sous peine de passer pour un malotru. Tous les hommes qui entrent dans
l'appartement se livrent à des bonds prodigieux pour s'élever jusqu'à la patère.
La plupart y renoncent après s'être essoufflés en vains efforts, quelques-uns,
s'élançant avec trop d'impétuosité pour pouvoir maîtriser leurs mouvements, —
n'aboutissent qu'à crever leur chapeau contre la patère. De loin en loin, il se
rencontre un tambour-major qui parvient à accrocher son chapeau sans l'abîmer.
Cette patère c'est l'ut de poitrine auquel le chanteur est tenu d'accrocher sa
voix. »
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