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ARGOT MUSICAL - Académie nationale de musique. > Académie nationale de musique. Académie nationale de musique.
Théâtre de l'Opéra. (Argot officiel.)
Cette Académie n'a rien de commun avec le fameux jardin d'Academus où
s'épanouirent, il y a deux mille ans, les théories de l'amour platonique.
Ce fut un poète musicien, Antoine de Baïf, qui dota la langue de cet argotisme.
« Après un long séjour à Venise, dit Castil Blaze dans son histoire de
l'académie de musique, Baïf désirant faire connaître, au moins par fragments,
les opéras qu'il avait admirés, et donner une idée du drame lyrique naissant à
ses compatriotes, fit exécuter à Paris des scènes italiennes traduites et des
cantates de sa façon. Les exercices des musiciens qu'il réunissait en sa maison
de la rue des Fossés-Saint-Victor ne pouvaient être appelés opéras, puisqu'ils étaient privés de
théâtre et de mise en scène. Baïf leur donna le nom d'Académie, traduction d'accademia,
qui signifie concert en italien; le mot concert n'ayant pas encore dans notre
langue le sens qu'il reçut plus tard à l'endroit de la musique. Les lettres
patentes accordées à Baïf par le roi Charles IX, en 1570, autorisent
l'établissement d'une académie de musique, c'est-à-dire un concert de musique.
En 1668, lorsque Perrin sollicitait le privilège d'un théâtre où le drame
lyrique parut avec tous ses moyens de séduction, le brevet accordé cent ans
auparavant fut remis en lumière. Le titre d'Académie annonçait à peu près le
contraire du spectacle projeté, mais ce titre était déjà consacré par une
patente royale; Perrin demandait ce que Baïf avait obtenu; malgré son
inconvenance, académie de musique fut adopté. On ajouta le mot royale, pour
donner plus de solennité, plus de pompe à ce titre. »
Vers 163o, une réunion de littérateurs s'étaient emparés du néologisme créé par
Baïf pour s'intituler l'Académie des beaux esprits, œuf d'où, cinq ans plus
tard, devait éclore l'Académie française. On voit que la docte assemblée a, de
par ce larcin, une origine musicale dont cependant elle ne daigna se souvenir
qu'une seule fois, en 1780, en offrant son neuvième fauteuil au sieur Chabanon.
Le poète Lemierre, avec lequel ce candidat se trouvait en
concurrence, s'écriait piteusement : « M. de Chabanon l'emportera; il joue du
violon et moi je ne joue que de la lyre. »
En effet, Chabanon entra à l'Académie; son plus grand titre était son talent sur
le violon dont il jouait dans le concert des amateurs, dirigé par le chevalier
de Saint-Georges, à l'hôtel Soubise.
Cette réception fut saluée de l'épigramme
suivante :
A Foncemagne on veut, dit-on,
Pour le fauteuil soporifique,
Faire succéder Chabanon;
Mais son mérite académique?
— Aucun. H est grand violon.
Dans le sein de la compagnie
Manquant d'accord et d'unisson
Il rétablira l'harmonie.
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