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Accueil de la bibliothèque > Mémoires de Hector Berlioz
MÉMOIRES DE HECTOR BERLIOZ - A M. Desmarest, neuvième lettre, Berlin. (4/7) > A M. Desmarest, neuvième lettre, Berlin. (4/7) Ces concerts d’étiquette paraissent toujours froids; mais on les trouve
agréables quand ils sont finis, parce qu’ils réunissent ordinairement quelques
auditeurs avec lesquels on est fier et heureux d’avoir un instant de
conversation. C’est ainsi que j’ai retrouvé chez le roi de Prusse, M. Alexandre
de Humboldt, cette éblouissante illustration de la science lettrée, ce grand
anatomiste du globe terrestre.
Plusieurs fois dans la soirée, le roi, la reine et Mme la princesse de Prusse
sont venus m’entretenir du concert que je venais de donner au Grand-Théâtre, me
demander mon avis sur les principaux artistes prussiens, me questionner sur mes
procédés d’instrumentation, etc., etc. Le roi prétendait que j’avais mis le
diable au corps de tous les musiciens de sa chapelle. Après le souper, S.M. se
disposait à rentrer dans ses appartements, mais venant à moi tout d’un coup et
comme se ravisant :
« — À propos, monsieur Berlioz, que nous donnerez-vous dans votre prochain
concert ?
— Sire, je reproduirai la moitié du programme précédent, en y ajoutant cinq
morceaux de ma symphonie de Roméo et Juliette.
— De Roméo et Juliette! et je fais un voyage! Il faut pourtant que nous
entendions cela! Je reviendrai. »
En effet, le soir de mon second concert, cinq minutes avant l’heure annoncée, le
roi descendait de voiture et entrait dans sa loge.
Maintenant faut-il vous parler de ces deux soirées ? Elles m’ont donné bien de
la peine, je vous assure. Et pourtant les artistes sont habiles, leurs
dispositions étaient des plus bienveillantes, et Meyerbeer, pour me venir en
aide, semblait se multiplier. C’est que le service journalier d’un grand théâtre
comme celui de l’Opéra de Berlin a des exigences toujours fort gênantes et
incompatibles avec les préparatifs d’un concert; et, pour tourner et vaincre les
difficultés qui surgissaient à chaque instant, Meyerbeer a dû employer plus de
force et d’adresse, à coup sûr, que lorsqu’il s’est agi pour lui de monter pour
la première fois les Huguenots. Et puis j’avais voulu faire entendre à Berlin
les grands morceaux du Requiem, ceux de la Prose (Dies irae, Lacrymosa, etc.),
que je n’avais pas encore pu aborder dans les autres villes d’Allemagne; et vous
savez quel attirail vocal et instrumental ils nécessitent. Heureusement j’avais
prévenu Meyerbeer de mon intention, et déjà avant mon arrivée il s’était mis en
quête des moyens d’exécution dont j’avais besoin. Quant aux quatre petits
orchestres d’instruments de cuivre, il fut aisé de les trouver, on en aurait eu
trente s’il l’eût fallu; mais les timbales et les timbaliers donnèrent beaucoup
de peine. Enfin, cet excellent Wiprecht aidant, on vint à bout de les réunir.
On nous plaça pour les premières répétitions dans une splendide salle de concert
appartenant au second théâtre, dont la sonorité est telle malheureusement, qu’en
y entrant je vis tout de suite ce que nous allions avoir à souffrir. Les sons,
se prolongeant outre mesure, produisaient une insupportable confusion et
rendaient les études de l’orchestre excessivement difficiles. Il y eut même un
morceau (le scherzo de Roméo et Juliette) auquel nous fûmes obligés de renoncer,
n’ayant pu parvenir, après une heure de travail, à en dire plus de la moitié.
L’orchestre pourtant, je le répète, était on ne peut mieux composé. Mais le
temps manquait, et nous dûmes remettre le scherzo au second concert. Je finis
par m’accoutumer un peu au vacarme que nous faisions, et à démêler dans ce chaos
de sons ce qui était bien ou mal rendu par les exécutants; nous poursuivîmes
donc nos études sans tenir compte de l’effet fort différent, heureusement, de
celui que nous obtînmes ensuite dans la salle de l’Opéra. L’ouverture de
Benvenuto, Harold, l’Invitation à la valse de Weber, et les morceaux
du Requiem furent ainsi appris par l’orchestre seul, les chœurs travaillant à
part dans un autre local. À la répétition particulière que j’avais demandée pour
les quatre orchestres d’instruments de cuivre du Dies irae et du
Lacrymosa, j’observai pour la troisième fois un fait qui m’est resté
inexplicable, et que voici :
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