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MÉMOIRES DE HECTOR BERLIOZ - XLI. Voyage à Naples. — Le soldat enthousiaste. — Excursion à Nisita. Les lazzaroni. — Ils m'invitent à dîner. — Un coup de fouet. — Le théâtre San-Carlo. — Retour pédestre à Rome, à travers les Abruzzes. — Tivoli. — Encore Virgile. (4/7) > XLI. Voyage à Naples. — Le soldat enthousiaste. — Excursion à Nisita. Les lazzaroni. — Ils m'invitent à dîner. — Un coup de fouet. — Le théâtre San-Carlo. — Retour pédestre à Rome, à travers les Abruzzes. — Tivoli. — Encore Virgile. (4/7) Ce projet était arrêté dans ma tête depuis quelques jours. Rentré à Naples le
même soir, après avoir dit adieu à Dufeu et à Dantan, le hasard me fit
rencontrer deux officiers suédois de ma connaissance, qui me firent part de leur
intention de se rendre à Rome à pied.
— Parbleu ! leur dis-je, je pars demain pour Subiaco; je veux y aller en droite
ligne à travers les montagnes, franchissant rocs et torrents, comme le chasseur
de chamois; nous devrions faire le trajet ensemble.
Malgré l'extravagance d'une pareille idée, ces messieurs l'adoptèrent. Nos
effets furent aussitôt expédiés par un vetturino; nous convînmes de nous
diriger sur Subiaco à vol d'oiseau, et, après nous y être reposés un jour, de
retourner à Rome par la grande route. Ainsi fut fait. Nous avions endossé tous
les trois le costume obligé de toile grise; M. B... portait son album et ses
crayons; deux cannes étaient toutes nos armes.
On vendangeait alors. D'excellents raisins (qui n'approchent pourtant pas de
ceux du Vésuve) firent à peu près toute notre nourriture pendant la première
journée; les paysans n'acceptaient pas toujours notre argent, et nous nous
abstenions quelquefois de nous enquérir des propriétaires.
Le soir, à Capoue, nous trouvâmes bon souper, bon gîte, et... un improvisateur.
Ce brave homme, après quelques préludes brillants sur sa grande mandoline,
s'informa de quelle nation nous étions.
« — Français, répondit M. Kl... rn. »
J'avais entendu, un mois auparavant, les improvisations du Tyrtée campanien ; il
avait fait la même question à mes compagnons de voyage, qui répondirent :
« — Polonais. »
A quoi, plein d'enthousiasme, il avait répliqué :
« — J'ai parcouru le monde entier, l'Italie, l'Espagne, la France,
l'Allemagne, l'Angleterre, la Pologne, la Russie; mais les plus braves sont les
Polonais, sont les Polonais. »
Voici la cantate qu'il adressa, en musique également improvisée, et sans la
moindre hésitation, aux trois prétendus Français :

On conçoit combien je dus être flatté, et quelle fut la mortification des deux
Suédois.
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