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Accueil de la bibliothèque > Mémoires de Hector Berlioz MÉMOIRES DE HECTOR BERLIOZ - Premier voyage en Allemagne (1841-1842) A M. A Morel, première lettre, Bruxelles, Mayence, Francfort. (4/4) > Premier voyage en Allemagne (1841-1842) A M. A Morel, première lettre, Bruxelles, Mayence, Francfort. (4/4)

Je ne me rappelle pas malheureusement le nom du ténor chargé du rôle de Florestan. Il a certes de belles qualités, sans que sa voix ait rien de bien remarquable. Il a dit l'air si difficile de la prison, non pas de manière à me faire oublier Haitzinger qui s'y élevait à une hauteur prodigieuse, mais assez bien pour mériter les applaudissements d'un public moins froid que celui de Francfort. Quant à Pischek que j'ai pu apprécier mieux quelques mois après dans le Faust de Spohr, il m'a réellement fait connaître toute la valeur de ce rôle du gouverneur que nous n'avons jamais pu comprendre à Paris ; et je lui dois pour cela seul une véritable reconnaissance. Pischek est un artiste ; il a sans doute fait des études sérieuses, mais la nature l'a beaucoup favorisé. Il possède une magnifique voix de baryton, mordante, souple, juste et assez étendue; sa figure est noble, sa taille élevée, il est jeune et plein de feu! Quel malheur qu'il ne sache que l'allemand! Les choristes du théâtre de Francfort m'ont semblé bons, leur exécution est soignée, leurs voix sont fraîches, ils laissent rarement échapper des intonations fausses, je les voudrais seulement un peu plus nombreux. Dans ces chœurs d'une quarantaine de voix réside toujours une certaine âpreté qu'on ne trouve pas dans les grandes masses. Ne les ayant pas vus à l'étude d'un nouvel ouvrage, je ne puis dire si les choristes francfortois sont lecteurs et musiciens; je dois reconnaître seulement qu'ils ont rendu d'une façon très-satisfaisante le premier chœur des prisonniers, morceau doux qu'il faut absolument chanter, et mieux encore le grand finale où dominent l'enthousiasme et l'énergie. Quant à l'orchestre, en le considérant comme un simple orchestre de théâtre, je le déclare excellent, admirable de tout point; aucune nuance ne lui échappe, les timbres s'y fondent dans un harmonieux ensemble tout à fait exempt de duretés, il ne chancelle jamais, tout frappe d'aplomb ; on dirait d'un seul instrument. L'extrême habileté de Guhr à le conduire, et sa sévérité aux répétitions, sont pour beaucoup, sans doute, dans ce précieux résultat. Voici comment il est composé : 8 premiers violons, — 8 seconds, — 4 altos, — 5 violoncelles, — 4 contrebasses, — 2 flûtes, — 2 hautbois, 2 clarinettes,— 2 bassons,— 4 cors,— 2 trompettes,— bois, 3 trombones, — 1 timbalier. Cet ensemble de 47 musiciensse retrouve, à quelques très-petites différences près, dans toutes les villes allemandes du second ordre ; il en est de môme de sa disposition, qui est celle-ci : Les violons, altos et violoncelles réunis, occupent le côté droit de l'orchestre ; les contrebasses sont placées en ligne droite, dans le milieu, tout contre la rampe ; les flûtes, hautbois, clarinettes, bassons, cors et trompettes, forment au côté gauche, le groupe rival des instruments à archets; les timbales et les trombones sont relégués seuls à l'extrémité du coté droit. N'ayant pas pu mettre cet orchestre à la rude épreuve des études symphoniques, je ne puis rien dire de sa rapidité de conception, de ses aptitudes au style accidenté, humoristique, de sa solidité rythmique, etc., etc., mais Guhr m'a assuré qu'il était également bon au concert et au théâtre. Je dois le croire, Guhr n'étant pas de ces pères disposés à trop admirer leurs enfants. Les violons appartiennent à. une excellente école : les basses ont beaucoup de son ; je ne connais pas la valeur des altos, leur rôle étant assez obscur dans les opéras que j'ai vu représenter à Francfort. Les instruments à vent sont exquis dans l'ensemble; je reprocherai seulement aux cors le défaut, très-commun en Allemagne, de faire souvent cuivrer le son en forçant surtout les notes hautes. Ce mode d'émission du son dénature le timbre du cor ; il peut dans certaines occasions, il est vrai, être d'un bon effet, mais il ne saurait, je pense, être adopté méthodiquement dans l'école de l'instrument.

A la fin de cette excellente représentation de Fidelio, dix ou douze auditeurs daignèrent, en s'en allant, accorder quelques applaudissements... et ce fut tout. J'étais indigné d'une telle froideur, et comme quelqu'un cherchait à me persuader que si l'auditoire avait peu applaudi, il n'en admirait et n'en sentait pas moins les beautés de l'oeuvre :

«— Non, dit Guhr, ils ne comprennent rien, rien du tout, S. N. T. T. ; il a raison, c'est un public de bourgeois. »

J'avais aperçu, ce soir-là, dans une loge, mon ancien ami Ferdinand Hiller, qui a longtemps habité Paris, où les connaisseurs citent encore souvent sa haute capacité musicale. Nous eûmes bien vite renouvelé connaissance et repris nos allures de camarades. Hiller s'occupe d'un opéra pour le théâtre de Francfort ; il écrivit, il y a deux. ans, un oratorio, la Chute de Jérusalem, qu'on a exécuté plusieurs fois avec beaucoup de succès. Il donne fréquemment des concerts, où l'on entend, avec des fragments de cet ouvrage considérable, diverses compositions instrumentales qu'il a produites dans ces derniers temps, et dont on dit le plus grand bien. Malheureusement, quand je suis allé à Francfort, il s'est toujours trouvé que les concerts d'Hiller avaient lieu le lendemain du jour où j'étais obligé de partir, de sorte que je ne puis citer à son sujet que l'opinion d'autrui, ce qui me met tout à fait à l'abri du reproche de camaraderie. A son dernier concert il fit entendre, en fait de nouveautés, une ouverture qui fut chaudement accueillie et plusieurs morceaux pour quatre voix d'hommes et un soprano, dont l'effet, dit-on, est de la plus piquante originalité.

Il y a à Francfort une institution musicale qu'on a citée devant moi plusieurs fois avec éloges : c'est l'Académie de chant de Sainte-Cécile. Elle passe pour être aussi bien composée que nombreuse ; cependant, n'ayant point été admis à l'examiner, je dois me renfermer, à son sujet, dans une réserve absolue.

Bien que le bourgeois domine à Francfort dans la masse du public, il me semble impossible, eu égard au grand nombre de personnes de la haute classe qui s'occupent sérieusement de musique, qu'on ne puisse réunir un auditoire intelligent et capable de goûter les grandes productions de l'art. En tous cas, je n'ai pas eu le temps d'en faire l'expérience.

Il faut maintenant, mon cher Morel, que je rassemble mes souvenirs sur Lindpaintner et la chapelle de Stuttgard. J'y trouverai le sujet d'une seconde lettre, mais celle-là ne vous sera point adressée; ne dois-je pas répondre aussi à ceux de nos amis qui se sont montrés comme vous avides de connaître les détails de mon exploration germanique ?

Adieu.

P.-S. — Avez-vous publié quelque nouveau morceau de chant ? On ne parle partout que du succès de vos dernières mélodies. J'ai entendu, hier le rondeau syllabique Page et Mari, que vous avez composé sur les paroles du fils d'Alexandre Dumas. Je vous déclare que c'est fin, coquet, piquant et charmant. Vous n'écrivîtes jamais rien de si bien en ce genre. Ce rondeau aura une vogue insupportable, vous serez mis au pilori des orgues de Barbarie et vous l'aurez bien mérité.

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