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ARGOT MUSICAL - Prima gueula. > Prima gueula. Prima gueula. -- Variante de la précédente. (Argot populaire.)
« Elle sait chanter. Quant à son chant, il est indescriptible, comme ce qu'elle
chante. Il faut être Parisien pour en saisir l'attrait, Français raffiné pour en
savourer la profonde et parfaite ineptie. Cela n'est d'aucune langue, d'aucun
art, d'aucune vérité. Cela se ramasse dans le ruisseau; mais il y a le goût du
ruisseau, et il faut trouver dans le ruisseau le produit qui a bien le goût du
ruisseau. Les Parisiens eux-mêmes ne sont pas tous pourvus du flair qui mène à
cette truffe. Lorsqu'elle est assaisonnée, ils la goûtent Notre chanteuse a ses
trouvères attitrés qui lui proposent l'objet, et elle y met supérieurement la
sauce.
« Elle joue sa chanson autant qu'elle la chante. Elle joue des yeux, des bras,
des épaules, des hanches, hardiment. Rien de gracieux; elle s'exerce plutôt à
perdre la grâce féminine; mais c'est là peut-être le piquant, la pointe suprême
du ragoût. Des frémissements couraient dans l'auditoire, des murmures
d'admiration crépitaient dans la fumée des pipes, à certains endroits dont
l'effet, cependant assuré, défie toute analyse. Dites pourquoi l'Alsacien
s'épanouit à l'odeur de la choucroute?
« La grande chanteuse est entourée de satellites très inférieurs. Son morceau
est précédé d'une avant-garde de romances nigaudes, l'on place au plus près tout
ce qu'il y a de plus douceâtre: Faites un nid! Et, après ce fromage blanc, tout
de suite, l'ail et l'eau-de-vie surpoivrée, le tord-boyaux tout pur de la
demoiselle. Le heurt est violent, et comme on dit dans la langue du lieu : Ça
emporte la gueule. » (Les odeurs de Paris. Louis Veuillot.)
(Voir Beuglant.)
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