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ARGOT MUSICAL - Paye tes dettes! > Paye tes dettes! Paye tes dettes! — Traduction du chant de la caille. (Argot populaire.)
Cette légende n'a pu naître que dans le cerveau d'un créancier qui, voyant à
jamais discrédité le fameux aphorisme « Qui paye ses dettes s'enrichit, » aura
imaginé de faire jouer à la caille le rôle d'huissier auprès des malheureux
affligés de dettes criardes. Je vous le demande, quelle créance peut-on donner
aux sommations d'un volatile dont l'idéal social se résume dans le droit au vol?
Beethoven n'a peut-être fait parler la caille dans sa Symphonie Pastorale, que
dans le seul but de glacer de terreur les musiciens qui lui auraient fait des
emprunts.
N'a-t-on pas vu, au XVe siècle, le célèbre Josquin Desprez utiliser, non pas la
caille, mais la messe, pour relancer un de ses plus nobles débiteurs?
Le roi Louis XII lui avait promis un bénéfice et avait oublié sa promesse.
Josquin, pour le lui rappeler, composa un motet sur ces paroles: « Memor esto
verbi tui, etc.. » (Souvenez-vous, seigneur, de vos promesses, autrement dit :
Paye tes dettes!) Le roi, faisant la sourde oreille, Josquin eut recours à un
courtisan qui lui promit ses bons offices; mais, aussi oublieux que Sa Majesté,
chaque fois que le compositeur lui parlait de l'objet de ses désirs, le
noble protecteur lui répondait: « Lascia fare me. » (Laissez-moi faire.)
Outré de tant de vaines promesses, Josquin composa, par moquerie, une messe dont
le thème était la, sol, fa, ré, mi, et où cette phrase était répétée si souvent
que le courtisan, s'apercevant qu'elle faisait rire la cour à ses dépens,
s'empressa de jouer lui-même près du roi le rôle de la caille et obtint enfin que
Sa Majesté s'exécutât auprès de son musical créancier.
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