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ARGOT MUSICAL - Accordeur de la Camarde. > Accordeur de la Camarde. Accordeur de la Camarde. -- Nom donné au bourreau quand il apprête les bois de justice pour l'exécution
d'un condamné à mort.
Argotisme inventé par ceux qui considèrent la guillotine comme un piano à une
touche, sur lequel la mort au nez camard aime à exécuter de temps à autre
quelque aubade sanglante.
Une dame demandait un jour à Villemot : « Aimez-vous le piano? » -- « Madame,
je le préfère à la guillotine, » répondit le pianophobe, ignorant sans doute les
liens qui unissent ces deux instruments de supplice.
Tout le monde connaît cette chanson que l'on chantait, sous la Révolution,
sur l'air du menuet d'Exaudet :
Guillotin,
Médecin
Politique,
Imagine, un beau matin
Que pendre est inhumain
Et peu patriotique.
Et sa main
Fait soudain
Une machine
Humainement qui tuera
Et qu'on appellera Guillotine.
L'idée première de cette invention appartient à un facteur de clavecins,
nommé Schmidt, habile mécanicien et passionné musicien.
Ayant vendu un clavecin au bourreau de Paris, Charles-Henri Sanson, Schmidt
se lia peu à peu avec l'exécuteur des hautes-oeuvres qui était assez bon
exécutant sur le violon et le violoncelle. Le répertoire de Gluck fut le
trait-d'union de ces deux mélomanes. Schmidt, au clavecin, et Sanson, l'archet
en main, déchiffraient avec ardeur les partitions d'Orphée et d'Iphigénie en
Aulide.
Un soir qu'un passage difficile avait enrayé la marche du duo, Schmidt
proposa de trancher la difficulté en faisant une coupure. A ce mot, Sanson
dépose son instrument et
(chassez le naturel, il revient au galop)
il se met à développer un nouveau projet de décollation qu'il roulait depuis
longtemps dans la tête. La discussion s'engage. Schmidt oppose des arguments de
mécanique. Sanson riposte. On cherche. Tout-à-coup, le facteur de clavecins
pousse le cri d'Archimède : « Eurêka! j'ai votre affaire,» dit-il. Et,
saisissant un crayon, il trace en quelques traits un dessin sur la marge de la
partition de Gluck: c'était la guillotine!...
L'idée du couperet triangulaire de l'instrument sinistre avait été suggérée
par le couteau de garnisseur dont se servent encore les facteurs pour
couper net les marteaux de pianos.
Est-ce d'après le croquis de Schmidt que le baron Louis exécuta sa terrible
machine? On l'ignore mais il est permis de regretter que son premier inventeur
n'ait pas poussé plus loin la réalisation de sa pensée, car il eût peut-être
adouci l'horreur des exécutions capitales en créant la guillotine à musique.
(Voir Pianiste)
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